Risquer la joie
Fête de St Firmin à Pampelune,
Espagne. Photo: Adam
Jones Flickr
Écrites à l'occasion du Centenaire de la
fondation de la Société des Missions-Étrangères du Québec, ces lignes sont adressées
aux femmes et aux hommes, croyants ou non, laïcs ou pas, qui réussissent leur
vie en risquant la joie.
par: Eloy Roy
Pendant cent ans, une foule de jeunes gens ont jeté
par-dessus bord leurs ceintures de sécurité et se sont lancés sans capsule,
sans fusée, sans astromobile, en direction de mondes étrangers. Arrivés chez
des peuples presque inconnus, et sans plus de
bagage que ce qu'ils portaient en leur cœur, ils ont cherché à se faire proches
d'eux comme Jésus s'était fait proche du peuple de son temps.
Ils ont joint ces peuples différents et appris tout
doucement à goûter leur sagesse et leur beauté. Alors qu'hier encore ils semblaient
à peine existants à leurs yeux, ces peuples prirent bientôt racine dans leur cœur.
Les missionnaires ont grandi avec eux.
Avec eux ils ont défriché leur voie. Avec eux ils ont bâti et souffert. Avec
eux ils ont vécu une communion profonde à d'innombrables possibles.
Ils ont eu la joie de voir la vie pousser sous leurs pas lorsque, s'arrachant aux ornières d'un
autre âge, ils se sont engagés sur le chemin toujours neuf et risqué de Jésus
de Nazareth.
Par ce chemin à la fois ardu et lumineux, des personnes
et des groupes humains se sont défaits du poids d'une longue histoire de
marginalisation, d'infériorisation et d'oppression; leurs yeux se sont ouverts,
leur esprit s'est éveillé, leur langue s'est déliée.
Les missionnaires qui se sont succédé pendant cent ans
ont eu la
joie unique de voir s'épanouir par milliers des personnes qui, en
intériorisant leur foi en un Dieu qui les aimait, ont découvert l'estime de soi
et la force d'une vraie communauté. Leur
joie augmentait à mesure qu'ils les voyaient se risquer à penser par elles-mêmes,
à oser être plus critiques, prendre des initiatives, créer, innover et ne plus
craindre de changer.
Au fil des ans, ils ont vu ces personnes rejeter les
peurs, les tutelles, les excuses et toutes les béquilles qui les empêchaient de
faire des choix et de se prendre en main. Ils les ont vues courir le beau risque
de se donner le droit d'exister, de dresser la tête, de prendre la parole et
d'être plus libres. Après des années de patience et d'attente, ils ont connu le
bonheur de les voir naître à elles-mêmes comme si elles étaient passés de la mort à
la vie. Ce fut pour les missionnaires la plus grande de toutes les joies.
Cette joie, les bons vieux missionnaires comme moi, nous la
savourons encore. Jamais personne ne pourra nous l'enlever (Jean 16, 22). S'il nous fait plaisir de la partager, ce n'est
pas pour qu'on nous croie meilleurs que
les autres. C'est plutôt pour dire au monde que cette même joie appartient aux humains
de toutes les nations, langues et
croyances qui prennent soin de la vie, la font grandir et l'ensoleillent, sans
considération de leur métier ni du lieu où ils se trouvent sur Terre. Cette joie est
le propre de tous les humains qui, seulement par leur façon d'être, contribuent,
partout où ils sont. à rendre la vie moins injuste et plus humaine.
Cette joie, en tout cas, généralement plus en sourdine
qu'en éclats bruyants, a été pendant cent ans le secret des hommes et des
femmes qui ont couru le beau risque d'aller vivre l'Évangile loin du nid qui
les avait vus naître.
Sur leur route, de très beaux succès les attendaient, mais
les revers ne manquèrent pas. Ils durent
essuyer des échecs et des exils, subir des conflits internes et externes,
des jalousies, des tensions constantes entre le statu quo et l'appel à
l'ouverture et au changement. Malgré blessures et lassitudes, cependant, leur
joie ne s'est pas éteinte. Il se pourrait que, au contraire, elle se soit renforcée.
Si bien que, de nos jours encore, face à des vents souvent peu favorables, des
jeunes femmes et des jeunes hommes presque tous nés sous d'autres cieux,
courent à leur tour le beau risque de prendre part à la même aventure.
«JOIE», ce mot résume
en quatre lettres le grand souffle qui, après cent ans, maintient encore dans
les airs la petite fusée «Terre-Ciel-Inter-
Peuples» du nom de « Société des Missions-Étrangères du Québec». Une joie calme
et sereine porte cette petite Société. Une joie tenace aussi, une joie qui a
mille vies parce qu'elle jaillit de la
résurrection de Jésus. (Jean 15, 11).
Sans la résurrection de Jésus, en effet, la Société des
Missions-Étrangères, comme bien d'autres réalités, n'existerait pas. C'est la Résurrection qui a attiré
hors de leur foyer les missionnaires de cette Société et les a lancés sur les
routes de "l'autre". C'est elle qui les
a rendus proches de ceux qui étaient
loin. Elle qui les a poussés à franchir des distances de tout genre et les a
mis en alliance pour toujours.
Car la Résurrection n'est pas un conte de fée. Elle est autre chose qu'une médaille
olympique en diamant décernée à Jésus pour ses mérites. Elle est fondamentalement le point de départ et le point
d'arrivée de ce qu'on appelle la Révélation, la Création et même l'Évolution.
Elle est le moteur, le pivot central et le point culminant de tout ce qui a
existé, existe et existera dans notre
monde. Faire une lecture des cents ans de la Société des Missions-Étrangères sans
les relier étroitement à la Résurrection de Jésus serait comme séparer l'arbre
de ses racines, la rivière de sa source, ou le corps humain de son propre
cœur.
Même lorsqu'il se cache, le Soleil ne cesse de garder la Terre
dans son orbite et de la dynamiser de ses rayons. Ainsi en est-il de la joie de
la Résurrection: elle est comme le Soleil dans nos nuits. Elle est l'énergie cosmique
et divine qui coule dans nos veines, et dans
celles de toute l'humanité. Cette joie toutefois ne sera «complète»
que lorsqu'elle aura traversé toute l'épaisseur de notre réalité terrestre et aura
atteint les confins de la Création (Jean
17, 13). Entre temps, la Société des Missions-Étrangères porte allègrement comme
un tremplin ses cents ans de vie. Elle va continuer humblement sur sa lancée dans
les pas du Ressuscité.
Jésus prononça
cette parole: «Je vous ai dit toutes ces choses pour que ma joie soit en
vous et que votre joie soit
complète»
(Jean 15, 11).
Nous vous remercions de nous faire parvenir un si vibrant hommage à la joie
RépondreEffacerévangélique et missionnaire. Félicitations et reconnaissance.
Francine & Claude