12 décembre 2016

En moutonnant vers Bethléem


Ces jours-ci, téléguidés par un sympathique compagnon de route (mi- québécois, mi-extraterrestre) échoué à Akatsutsumi, une avalanche de moutons déferle de Tokyo vers Bethléem. Ils sont de tout genre. En carton, en papier de riz, en papier mâché, en plastique, en bois, en métal; certains sont même en laine! Une caravane extrêmement cool. Des gros, des petits, des tendres, des têtus, des grognons, des délicats, des écervelés, des spartiates… Il n’y a pas que des blancs, il y a plein de noirs, plein de bruns, et de toutes les teintes de beige. Plusieurs tirent sur l’ivoire  et ont les yeux bridés. Certains savent où ils vont; d’autres, la tête dans les nuages, regardent à peine où ils mettent les pattes. La plupart ne savent pas pourquoi ils sont en chemin, mais tous cheminent. Et toutes, car il y a autant de moutons au féminin qu’au masculin, des brebis, si l’on veut,  avec des compagnons béliers qui sont gentils aussi. Ce sont les pèlerins du monde. Ils sont nous.

Comme nous : sérieux, fous, rêveurs, méchants et bons. Tortues, lièvres, chauds lapins, amateurs de sport extrême, coriaces… Ils sont de toutes les races, de toutes les couleurs, avec des milliards de mélanges et de nuances. Ils sont de toutes les langues. De toutes les religions aussi. Il y a des moutons bouddhistes, des moutons protestants, orthodoxes, catholiques, des moutons musulmans, bien sûr, des sunnites et des shiites. Il y a des juifs, évidemment. Il y a des hindous et des adeptes des religions cosmiques. Il y a des progressistes et des traditionnalistes, des croyants qui sont vraiment athées, et des mécréants qui sont plus croyants qu’ils ne pensent. Les moutons se connaissent mal, se méfient,  s’attirent, se repoussent, se bousculent, chantent, pleurent, s’amusent, se haïssent et s’aiment. Ils ne savent pas trop où ils vont mais ils vont.   

Les moutons d’Akatsutsumi ont entendu le mot « Bethléem »,  et c’est là qu’ils vont. Pourquoi Bethléem? Ils ne savent pas trop, mais ils sentent qu’il se passe quelque chose là-bas. Quelque chose d’important. Ils ne savent pas que Bethléem veut dire « la Maison du Pain ». Ah ah? Serait-ce pour cela qu’ils s’en vont par là?... « Maison du Pain » est un nom qui sent bon. Un nom qui attire tout le monde, même les moutons qui ne mangent pas de pain… Car ce qui attire, c’est l’odeur, l’odeur du bon pain chaud qui sort tout doré du four… Y a-t-il sur Terre plus douce odeur?

Ces moutons en marche sont  l’humanité en route vers le Pain. Peu importe d’où l’on vienne ou qui l’on soit, tous et toutes nous marchons vers le Pain. N’importe quel pain. Pain fait de farine de blé, et pain fait de maïs, de riz, de millet, de sorgo, pain fait de toutes les céréales, de toutes les plantes, de toutes les essences, de toutes les faims. Faim du ventre, du cœur, de l’esprit, de l’âme. Faim de justice, de vérité et de dignité. Faim d’amour, de consolation et de tendresse. Faim de beauté, d’unité, faim de pardon, faim de paix. Faim de Dieu aussi. Eh oui! 

Sur le chemin on se bouscule, on s’encorne, on se déteste, on se bat, on s’aime bien un petit peu tout de même, on s’entraide parfois. On est une bande disparate, joyeuse et malheureuse, généreuse et méchante, bien portante et souffrante,   mais ce qui nous unit, c’est la faim. C’est la faim qui, au-delà de nos folies, nous rassemble sur le chemin du pain.  

Les fleurs du Coran, les fleurs de la Bible, les fleurs de la grande sagesse des humains ont donné des épis qui ont été broyés. On en a fait du pain, un bon pain pour le cœur et pour la vie de tous.  À Bethléem le pain est vivant. Il est l’un de nous. Il rentre en nous par une crèche, il est broyé  sur la croix, comme le froment. Prenez et mangez. Ma vie est un pain. Un bon pain. Pour la vie du monde.

Toi, Alep très chère, toi, mon amie musulmane,  avec ou sans voile,  toi, l’homme fier, et toi la femme debout de toutes les grandes familles de la Terre, toi, le petit, toi,  la bafouée, toi le malade, toi, le vieillard esseulé, toi, le handicapé, toi, le prisonnier, toi, le pauvre (sacrement d’au moins la moitié de l’humanité),  je ne peux pas te serrer dans mes bras… On se fait mal quand on est trop proche. On ne s’habitue pas rapidement. On est gauche. Il y a des murs entre nous, même entre les personnes les plus chères. On ne peut jamais se rejoindre vraiment. On est loin, même quand on est proche. Je voudrais tout te donner, mais je n’ai rien. Je voudrais tout faire pour toi, mais je ne peux rien. Je suis pauvre.

Nous sommes tous des pauvres. Qu’au moins cette odeur du bon pain qui a doré longuement à la chaleur de mon cœur, que cette douce odeur parvienne jusqu’à ton propre cœur. Je veux que tu sois heureux. Je veux que tu sois heureuse. Même si on ne se voit pas, même si on ne se verra jamais, seul ton bonheur pourra me rendre vraiment heureux.  

Tous les animaux de la Terre, les oiseaux, les poissons et toutes les bestioles, je vous embrasse. Tous les arbres, toutes les plantes, tous les rochers, et tous les astres dans le ciel, je vous aime.  À travers vous et à travers tous les humains je touche l’intouchable, je vois l’invisible. 

Tout commence par le cœur. Je crois que c’est l’unique chemin qui  conduit à la Maison du Pain.

                            BEAU NOËL, BELLES FÊTES!

                                                                              Eloy Roy

7 décembre 2016

Bernie à la poubelle, Trump à la Maison Blanche



Aux États-Unis on a levé le nez sur Bernie Sanders. Il avait le défaut d’être ex-hippy, socialiste, juif et honnête homme.  Il était indépendant des banques, de Wall Street, et de tout establishment. Il était plus libre que Trump,  ce grand blondinet qui sait faire des milliards à la manière des vrais riches.

Bernie était trop vieux? Allez-y voir! Les jeunes l’adoraient. Il a gagné le vote de la jeunesse. Un vrai tour de force!

Ph. Flickr Donkey Hotey

Bernie chantait ses quatre vérités à tout le monde. Il avait la langue bien pendue et beaucoup de souffle. Il était vrai dans ses paroles, vrai dans ses gestes, vrai dans ses analyses. Il était libre. Son arme, c’étaient la liberté et la vérité. La vérité, il la maniait avec clarté sans pour autant  prendre plaisir à rabaisser les adversaires au rang de rats. Il n’offensait personne.  

Bernie Sanders était l’espoir d’un réel changement aux USA. Un changement de culture, un changement de structures. Un changement dans lequel le gouvernement devait prendre le virage d’une  économie verte, au service, non du 1%, mais des 99% laissés de côté par la mondialisation néolibérale. Ce bulldozer inventé par la haute finance internationale pour le profit des grands conglomérats économiques. et non de Monsieur et Madame Tout-le-monde, allait frapper un mur avec Bernie Sanders. Il fallait arrêter ça!

Obama s’était fait élire avec son « Yes we can ». Il a prêché que, oui,  ce système allait changer. On sait ce qui est arrivé. Il avait lui-même les mains et les pieds liés aux grands intérêts de ceux qui lui versaient des millions pour ses campagnes. Hillary, c’était du pareil au même. L’alternative, c’était Bernie.

Mais  on n’a pas voulu de Bernie. Le parti Démocrate lui-même pour lequel il était candidat, l’a rejeté et a mis ses millions et sa grosse machine électorale au service d’Hillary qui avait déjà de l’argent par-dessus la tête et toute une machine à elle. C’est comme ça que Trump a été élu comme candidat républicain à la présidentielle et  qu’il a gagné la Maison Blanche en dépit même des républicains!

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Parmi vous qui me lisez, combien auraient voté pour Bernie? Ici, au Québec, on a peur de Gabriel Nadeau-Dubois. On a peur de Québec Solidaire. Le PQ, qui se croit toujours à l’avant-garde, est de plus en plus  pantouflard et regardé avec méfiance. Il y a la CAQ qui brandit le drapeau du Canada tout en jurant de son entier dévouement aux intérêts du Québec. Les libéraux disent la même chose.

Au Québec, il n’y a pas de Bernie. S’il y en avait un, je suis absolument certain qu’il ne ferait élire aucun candidat de son parti et que le Parti Libéral serait reporté au pouvoir avec la plus grande majorité de son histoire.  Car, au Québec, il y a des gueulards qui ne font rien, et surtout des muets qui ont horreur des changements. Certains, cependant,  se laisseront peut-être tenter par « Rambo »…

C’est à travers les « Rambo » que se faufilent peu à peu les petits ou les gros Trump.

Cette trouille face au changement en profondeur, cette peur de décrasser une politique dans laquelle les riches montent toujours plus haut et les pauvres dégringolent toujours plus bas,  est présente partout. On la retrouve à peu près dans toutes nos institutions.

Sauf peut-être dans l’Église...   
                                                                
                                                                                           Eloy Roy


2 décembre 2016

CASTRO LE MYTHIQUE

         

             
                                                                                                                                       INTERNET

                        Il n’y a pas de bons oppresseurs ni de mauvais opprimés.


Je ne veux pas t’offenser, Fidel, mais je me demande bien comment tu as pu te laisser dépasser par Nelson Mandela.  

Vivre sous l’apartheid en Afrique du Sud n’était pas rose. C’était aussi dur, sinon plus, que de survivre dans un Cuba devenu le grand bordel des États-Unis. Tu t’es rebellé contre cela. Mandela a fait la même chose chez lui. Avec l’aide de la CIA (toujours elle!),  les criminels qui mettaient l’Afrique du Sud à feu et à sang ont fourré Mandela en prison. Il y est resté 27 ans. Mais pendant ces 27 ans,  Mandela ne s’est pas laissé pourrir. Il a beaucoup réfléchi, il a grandi. Si bien que, depuis sa geôle, il est apparu comme un dieu pour son peuple. Un dieu  comme toi à Cuba.

Quand Nelson sortit de l’enfer, il n’avait qu’à lever le petit doigt pour que le peuple s’embrase et fasse une  fricassée des oppresseurs. Mais Nelson ne choisit pas ce chemin. Il choisit une révolution différente. Animé par la force intérieure développée dans les geôles, il refusa carrément de combattre la haine par la haine, le mensonge par le mensonge, l’injustice par l’injustice, la tyrannie par la tyrannie. 

Toi, mon cher Fidel, tu as tenu tête à l’Empire yankee pendant cinquante ans, et tous les opprimés de la planète ont vu en toi un modèle. Par ton courage et ton panache tu as gagné le cœur d’une grande partie de ton peuple. Tu l’as libéré de l’analphabétisme et tu lui as offert la meilleure médecine au monde. Tu as envoyé des légions de médecins et d’enseignants au secours des régions abandonnées de nombreux pays défavorisés. Tu as aussi fait des guerres, certaines très discutables, mais l’une d’elles, semble-t-il, aurait contribué à la libération de l’Afrique du Sud. Mandela a dû t’en remercier. Bravo ! Rien n’empêche que tu as abusé de ton peuple. 

Sous prétexte de le libérer, tu as tenu ton peuple en otage. Tu l’as soumis à un lavage de cerveau et l’as condamné au silence et à la précarité.  Les USA te boycottaient, il est vrai, mais le reste de la planète était avec toi. Tu pouvais faire des affaires avec la majorité des pays du monde.  Malgré cela,  tu as laissé croupir ton île. Pourquoi ?... Tu as envoyé au peloton d’exécution et laissé pourrir dans tes geôles des milliers de Cubains. Tu en as acculé à l’exil des milliers d’autres (ils n’étaient pas tous des fidèles de Batista ni des agents de la CIA, ni des capitalistes irrécupérables). Sur des embarcations de fortune, des gens de ton peuple se sont jetés par milliers à la mer dans l’espoir de gagner la liberté ; des centaines parmi eux ont fini leurs jours entre les dents des requins.  Ces gens-là n’étaient pas tous des traîtres à leur patrie. Ils voulaient vivre, tout simplement.

Considérant les chemins que tu as empruntés, vois-tu, tu n’as pas toujours été un grand homme. Tu as fait de sacrées bonnes choses, il est vrai, mais tu t’es souvent comporté en délinquant. Tu me rappelles un peu Pablo Escobar, grand baron de la drogue des années 80. Pour ses inconditionnels, il était le héros suprême, car il était extrêmement  généreux envers eux.  N’empêche qu’il n’était qu’un sinistre voyou.

Dans ton projet de révolution, on dirait  qu’il n’y avait pas de place pour d’autres que toi. Jamais tu n’as admis une erreur. L’humilité n’a jamais été ton fort (tu n’es pas le seul !); pourtant elle est la force des grands. Mandela a pris 27 ans à conquérir cette force  et il est devenu un grand. Le plus étrange, toutefois, c’est que dans ta révolution qui se voulait libératrice, une chose importante brillait par son absence : la liberté.  Je ne te parle évidemment pas de la liberté de consommer du monde capitaliste, qui est une névrose, mais de la  simple liberté qui distingue l’être humain de la marionnette.  Juste ça.  

Mon cher Fidel, comme symbole de résistance à la goinfrerie de la Grande Pieuvre des États-Unis, je te donne 10 sur 10,  et je te place entre Martí et Bolívar. Mais, en raison de certains rouages dans ta tête qui ont causé beaucoup de douleur et de morts innocentes et inutiles, j’ai le regret de devoir te placer entre Pinochet et nul autre que… Batista. Sorry!

Cela ne me plaît pas, je t’assure, car j’ai du respect pour toi et pour ceux et celles de ton peuple qui t’ont aimé. Du fond du cœur,  je souhaiterais que Mandela se mêle de l'affaire et te trouve une place en dehors du club des Néron de l’Histoire. Et qu’il te tienne aussi loin que possible des canailles qui ont attenté à ta vie 638 fois (probablement pas parce que tu étais méchant garçon mais plutôt parce que tu n’étais pas de leur bande...). Plusieurs sont morts avant toi; ils pourraient bien ne pas te laisser en paix. 

En réfléchissant sur ta vie, permets-moi trois mots à l’intention de ceux et celles qui ont envie de sauver le monde et souhaitent éviter les sottises:

1-   Qu’il soit de gauche ou de droite, aucun oppresseur n’est bon. Et aucun opprimé n’est mauvais. L’oppression est toujours un mal. Même pour la meilleure des causes.

2-   Qu’il soit bon ou mauvais, tout être humain est plus grand que la plus merveilleuse des idéologies ou la plus sainte des religions.

3-   Rattaché à un engagement viscéral pour la justice et la liberté, le pardon est, avec l’humilité, l’autre grande force humaine qui fait les grands. 

                                                   ¡VIVA LA REVOLUCIÓN!

                                                                                          Eloy Roy
  



  OPTION JOIE! Le monde est à l’envers. Notre planète s’en va chez le diable. Comme lave de volcan des fleuves de sang coulent sur les f...