30 mai 2021

 

                           Risquer la joie


                                 Fête de St Firmin à Pampelune, Espagne.           Photo:  Adam Jones Flickr

 
Écrites à l'occasion du Centenaire de la fondation de la Société des Missions-Étrangères du Québec, ces lignes sont adressées aux femmes et aux hommes, croyants ou non, laïcs ou pas, qui réussissent leur vie en risquant la joie.

 
par: Eloy Roy
 
Pendant cent ans, une foule de jeunes gens ont jeté par-dessus bord leurs ceintures de sécurité et se sont lancés sans capsule, sans fusée, sans astromobile, en direction de mondes étrangers. Arrivés chez des peuples presque inconnus, et sans plus de bagage que ce qu'ils portaient en leur cœur, ils ont cherché à se faire proches d'eux comme Jésus s'était fait proche du peuple de son temps.  
 
Ils ont joint ces peuples différents et appris tout doucement à goûter leur sagesse et leur beauté. Alors qu'hier encore ils semblaient à peine existants à leurs yeux, ces peuples prirent bientôt racine dans leur cœur. Les missionnaires  ont grandi avec eux. Avec eux ils ont défriché leur voie. Avec eux ils ont bâti et souffert. Avec eux ils ont vécu une communion profonde à d'innombrables possibles.
 
Ils ont eu la joie de voir la vie pousser sous leurs  pas lorsque, s'arrachant aux ornières d'un autre âge, ils se sont engagés sur le chemin toujours neuf et risqué de Jésus de Nazareth.
 
Par ce chemin à la fois ardu et lumineux, des personnes et des groupes humains se sont défaits du poids d'une longue histoire de marginalisation, d'infériorisation et d'oppression; leurs yeux se sont ouverts, leur esprit s'est éveillé, leur langue s'est déliée.
 
Les missionnaires qui se sont succédé pendant cent ans ont eu la joie unique de voir s'épanouir par milliers des personnes  qui,  en intériorisant leur foi en un Dieu qui les aimait, ont découvert l'estime de soi et la force d'une vraie communauté.  Leur joie augmentait à mesure qu'ils les voyaient se risquer à penser par elles-mêmes, à oser être plus critiques, prendre des initiatives, créer, innover et ne plus craindre de changer. 
 
Au fil des ans, ils ont vu ces personnes rejeter les peurs, les tutelles, les excuses et toutes les béquilles qui les empêchaient de faire des choix et de se prendre en main. Ils les ont vues courir le beau risque de se donner le droit d'exister, de dresser la tête, de prendre la parole et d'être plus libres. Après des années de patience et d'attente, ils ont connu le bonheur de les voir naître à elles-mêmes comme si elles étaient passés de la mort à la vie. Ce fut pour les missionnaires la plus grande de toutes les joies. 
 
Cette joie, les bons vieux missionnaires comme moi, nous la savourons encore. Jamais personne ne pourra nous l'enlever (Jean 16, 22). S'il nous fait plaisir de la partager, ce n'est pas  pour qu'on nous croie meilleurs que les autres. C'est plutôt pour dire au monde que cette même joie appartient aux humains de toutes les  nations, langues et croyances qui prennent soin de la vie, la font grandir et l'ensoleillent, sans considération de leur métier ni du lieu  où ils se trouvent sur Terre. Cette joie est le propre de tous les humains qui, seulement par leur façon d'être, contribuent, partout où ils sont. à rendre la vie moins injuste et plus humaine.
 
Cette joie, en tout cas, généralement plus en sourdine qu'en éclats bruyants, a été pendant cent ans le secret des hommes et des femmes qui ont couru le beau risque d'aller vivre l'Évangile loin du nid qui les avait vus naître.
 
Sur leur route, de très beaux succès les attendaient, mais les revers ne manquèrent pas. Ils durent  essuyer des échecs et des exils, subir des conflits internes et externes, des jalousies, des tensions constantes entre le statu quo et l'appel à l'ouverture et au changement. Malgré blessures et lassitudes, cependant, leur joie ne s'est pas éteinte. Il se pourrait que, au contraire, elle se soit renforcée. Si bien que, de nos jours encore, face à des vents souvent peu favorables, des jeunes femmes et des jeunes hommes presque tous nés sous d'autres cieux, courent à leur tour le beau risque de prendre part à la même aventure.
 
«JOIE», ce mot résume en quatre lettres le grand souffle qui, après cent ans, maintient encore dans les airs la petite fusée  «Terre-Ciel-Inter- Peuples» du nom de « Société des Missions-Étrangères du Québec». Une joie calme et sereine porte cette petite Société. Une joie tenace aussi, une joie qui a mille vies  parce qu'elle jaillit de la résurrection de Jésus. (Jean 15, 11).
 
Sans la résurrection de Jésus, en effet, la Société des Missions-Étrangères, comme bien d'autres réalités,  n'existerait pas. C'est la Résurrection qui a attiré hors de leur foyer les missionnaires de cette Société et les a lancés sur les routes de "l'autre". C'est elle qui les a rendus  proches de ceux qui étaient loin. Elle qui les a poussés à franchir des distances de tout genre et les a mis en alliance pour toujours.
 
Car la Résurrection n'est pas un conte de fée. Elle est autre chose qu'une médaille olympique en diamant décernée à Jésus pour ses mérites. Elle est fondamentalement le point de départ et le point d'arrivée de ce qu'on appelle la Révélation, la Création et même l'Évolution. Elle est le moteur, le pivot central et le point culminant de tout ce qui a existé, existe  et existera dans notre monde. Faire une lecture des cents ans de la Société des Missions-Étrangères sans les relier étroitement à la Résurrection de Jésus serait comme séparer l'arbre de ses racines, la rivière de sa source, ou le corps humain de son propre cœur.  
 
Même lorsqu'il se cache, le Soleil ne cesse de garder la Terre dans son orbite et de la dynamiser de ses rayons. Ainsi en est-il de la joie de la Résurrection: elle est comme le Soleil dans nos nuits. Elle est l'énergie cosmique et divine qui coule dans nos  veines, et dans celles de toute l'humanité. Cette joie toutefois ne    sera «complète» que lorsqu'elle aura traversé toute l'épaisseur de notre réalité terrestre et aura atteint les confins de la Création (Jean 17, 13). Entre temps, la Société des Missions-Étrangères porte allègrement comme un tremplin ses cents ans de vie. Elle va continuer humblement sur sa lancée dans les pas du Ressuscité.
 
Jésus prononça cette parole: «Je vous ai dit toutes ces choses pour que ma joie soit en vous et  que votre joie soit complète» (Jean 15, 11).  
 

 

1 commentaire:

  1. Nous vous remercions de nous faire parvenir un si vibrant hommage à la joie
    évangélique et missionnaire. Félicitations et reconnaissance.
    Francine & Claude

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