17 septembre 2015

MISÈRE DE LA CLASSE MOYENNE



« Le mirage » de Ricardo Trogi et Louis Morissette est un film québécois tout récent  qui remporte  un grand succès sur les écrans. Je copie ici quelques extraits de l’excellent article qu’à propos de ce film Josée Blanchette a publié dans Le Devoir du 4 septembre 2015, sous le titre : « La misère de la classe moyenne ».


 
Extraits de l’article : 

(…) Le mirage a mis le doigt dans le décolleté boosté de la classe moyenne. Il appuie lourdement sur une problématique qui dépasse de loin le couple géniteur et la sexualité insipide qu’il présente. Il radiographie notre société du confort et de l’indifférence, surstimulée mais vide de valeurs et de sens, gavée aux bébelles, aux antidépresseurs et au Ritalin mais surendettée, coupée de ses envies profondes, mais menée par ses fantasmes superficiels, prise en étau dans le cercle vicieux du « paraître » et de la surenchère, utilisant la consommation et le sexe pour s’anesthésier et pallier le manque d’intimité avec soi et avec l’autre, amidonnée dans la performance et une esthétique plastique qui varie selon les époques. La mode est aux grosses boules (elle l’est souvent). Ça coûte combien ?
  – Six mille dollars… Je ne pensais pas que c’était aussi cher.  (…)

Le couple en récession

Concrètement, un Québécois sur deux fait partie de la classe moyenne et chaque ménage canadien possède une dette hypothécaire de 145 000 $, 15 000 $ sur sa marge de crédit, et 40 % ne paie pas le solde de sa carte de crédit chaque mois, selon les données de Statistique Canada et de la BMO.

(…) L’État-providence nous abandonne de plus en plus, ne paie plus la garderie, désinvestit dans l’éducation et la santé, ne torche plus nos parents, ne fournit plus le psy ni la clinique de fertilité. La classe moyenne se tourne vers la banque, qui lui prête de l’argent qu’elle n’a pas non plus. Au fond, le fric n’existe pas. C’est un mirage. Un autre.

Le problème de la classe moyenne, c’est qu’elle a l’air riche avec sa piscine creusée « au sel », son jacuzzi au Javel, ses enfants au privé et sa BMW louée stationnée devant le garage pour qu’on la remarque (ou parce qu’il est rempli de patentes à gosse à l’obsolescence planifiée). Derrière le paravent social et la page Facebook, elle est en faillite et pauvre raide dès qu’on gratte le vernis des apparences et des sourires à 10 000 $.

Faux seins, fausses dents blanches, fausses rallonges de cheveux, faux ongles, faux bronzage, faux orgasmes, faux standing. Elle a tout faux en attendant le premier lifting et en crémant ses tatouages. Le vrai bonheur en arrache. En cela, Le mirage a tiré un formidable portrait-vérité de notre Québec contemporain saturé de promesses 36D.

Cela ressemble au mirage des femmes invisibles sur Ashley Madison. Trente-sept millions de gars se zieutent le zizi entre eux. Les filles de rêve virtuelles ne sont là que pour leur soutirer leur numéro de carte de crédit bien réel.

Derrière l’écran

(…) En sourdine, l’image qui m’a le plus intriguée durant tout le film, c’est le fond d’écran d’ordi de Patrick (Louis Morissette), cette vue sur l’horizon, ce champ d’automne aux couleurs fanées par le soleil.

On découvre à la fin du film que c’est là, dans cette image, que notre quadragénaire en crise retrouve son essence et court se réfugier, dans sa vieille roulotte avec son coton ouaté vintage, là qu’il troque son exerciseur de hamster dans le garage contre un jogging sur la route et qu’il épouse le sens d’un mot, un mot qui ne coûte rien, mais vaut cher et implique l’énorme courage de s’affranchir de tout : liberté.
 
En cela, la tragicomédie acide devient une fable céleste et philosophique qui nous incite à contempler nos fonds d’écran pour mieux voir ce que nous y déposons.

Pour lire l’article complet de Josée Blanchette :

Un moment, je n’ai pas fini ! Aggée, ben oui, le prophète, a un mot à nous dire là-dessus :
« Réfléchissez à votre situation: Vous avez semé beaucoup, mais récolté peu; vous mangez, mais sans être rassasiés; vous buvez, mais sans être désaltérés; vous vous habillez, mais sans avoir chaud; et l’ouvrier qui a gagné son salaire n’a pour le mettre qu’une bourse trouée. Ainsi parle le Seigneur de l’univers: Réfléchissez à ce que vous devez faire. Allez dans la montagne, rapportez du bois pour rebâtir la maison de Dieu. Je prendrai plaisir à y demeurer, et j’y serai glorifié. Parole du Seigneur.» (Aggée 1, 1-8).  ©AELF

Des églises on en a et on les ferme. Pour nous il s’agit plutôt de recommencer à zéro: ramasser quelques branches et dresser une petite tente au milieu de notre vide. S’y réfugier au besoin pour se retrouver soi-même et permettre qu’un autre oxygène remplisse le grand creux de notre vie.  Si Dieu existe, il est là, dans cet oxygène qui ne se vend dans aucun magasin et sur aucun site web...
                                                      
                                                                              Eloy Roy


5 septembre 2015

UN MUSULMAN DE PLUS?






                  Journal Le Soleil, caricature d'André-Philippe Côté, 4 septembre 2015

 Leur maison brûle. Ils ont tout perdu.  Ils frappent à ma porte. Ils ont la peau plus foncée, ils sont musulmans, je crois. Pas de questions. Je leur ouvre ma maison et mon cœur, car ils  sont ma chair et mon sang.


J’ai connu dans d’autres cultures des gens pauvres qui, dans leur humble chaumière, ont toujours fait une place à qui était plus pauvre qu’eux : un neveu, une filleule, le petit frère de celle-ci et sa sœur, l’oncle, la cousine, ou quelqu’un d’autre qui venait de loin.


Nous  qui sommes de pays qui se débrouillent assez bien, et qui avons travaillé beaucoup pour cela, nous ne manquons pas de sagesse et de prudence, mais souvent nous trouvons  mille raisons pour n’ouvrir nos portes qu’à moitié à une foule de réfugiés désespérés sous prétexte qu’ils n’ont pas leurs documents en ordre (car un bon réfugié doit transporter ses archives avec lui, c’est évident !!!),  ou parce qu’ils ne nous laissent pas le temps de les examiner à loisir, de les évaluer, les soupeser ou de les faire poireauter comme ça nous chante. 


Pourtant d’autres,  plus sages et plus savants que nous, nous prouvent, par A+B que nous sommes les privilégiés sinon carrément  les complices  d’un gigantesque système mondial d’arnaque, de fraude, de mensonge, d’exploitation et de vol international.  On ne les croit pas et on ne veut pas les entendre, car notre sécurité, notre bien-être et notre paix dépendent si étroitement de ce système injuste qu’on préfère  lui trouver des vertus plutôt que de le regarder en face. Notre  façon de réagir n’est pas étonnante. Elle est nourrie constamment par ce même  système tordu qui a été conçu, est réajusté au besoin et mis de l’avant jusque dans ses plus petits détails  par des corporations et des groupes de personnages hautement sophistiqués qui savent tout, possèdent presque tout et dominent partout. Ils sont  nos maîtres, et nous, dupes ou aveugles, nous en sommes les fidèles serviteurs. Notre vie repose entre leurs mains.  


Nos maîtres nous ont mis dans le cerveau que  le but de la vie, c’est le bien-être personnel, et non pas la  grande joie qu’il peut y avoir  à courir  des risques pour que ce bien-être s’étende au monde entier. La justice sociale et la fraternité sont d’excellentes choses, nous enseignent-ils, mais il y a aussi nos investisseurs, nos emplois, notre patrimoine, notre langue, notre culture, notre identité, notre sécurité, notre tranquillité et notre prospérité à protéger… en un mot, notre bien-être.  Et le bien-être des autres?



Comment en venir à  croire que la justice sociale et la fraternité mettraient en péril la richesse des identités culturelles, nationales ou individuelles?   Et qui a décidé que les chrétiens et  les musulmans, les sécularisés et ceux qui ne le sont pas,  sont condamnés  à ne pas pouvoir vivre ensemble et à ne jamais devenir des amis? Est-ce que, par hasard, la justice, l’affection ou l’amour entre individus, peuples et cultures signifieraient l’anéantissement de l’être propre et de la nature originale de chacun?  La justice et l’amour appauvriraient?  


Je sais qu’on n’a pas l’habitude de tenir compte de l’amour dans nos évaluations et dans nos plans. L’amour, c’est tellement privé, tellement sentimental, tellement rose bonbon... Mais non, l’amour est la trame profonde du grand tissu de l’humanité. Enlevons cette trame,  et c’est l’enfer. Mais nous ne sommes pas encore assez évolués pour nous en convaincre. C’est pourquoi je parle simplement de justice; et si le mot fraternité sonne trop curé, disons que je me contenterais  d’un minimum de solidarité à ras de terre comme il en existe parfois même chez les animaux.    


Une chose est sûre et certaine : nous avons les moyens qu’il faut pour en finir avec la faim et la pauvreté dans le monde  et pour mettre un terme au  saccage de la planète ainsi qu’aux conflits les plus aberrants qui déchirent l’humanité. Nul besoin de chercher de bonnes raisons pour continuer à toujours remettre  à plus tard…. Ce que l’on voit tous les jours  à la télé devrait suffire à nous décider à ouvrir nos portes sans hésiter, sinon, tôt ou tard, nous devrons probablement le payer très cher.


Je n’oublie pas les personnes du Québec, du Canada et d’ailleurs qui, par-dessus de multiples embûches, se dévouent corps et âme à accueillir les réfugié/es des quatre coins du monde et à leur redonner vie entre nos murs. Ces « passeurs et passeuses » de la justice et de la fraternité représentent ce que nous avons de meilleur.  Ils sont parmi les premiers artisans d’une Humanité nouvelle qui, osons l’espérer, finira bien  par arriver un de ces  quatre matins.


Pour résumer, je fais écho au cri du jeune Syrien qui va à pied sur la route entre Budapest et Vienne. Avec lui, marchant d'un pas décidé sur la même route,  ils sont des centaines ou des milliers de réfugiés : vieillards, femmes, handicapés, enfants. Ils viennent de l’enfer, ils ont vécu l'horreur,  ils ont traversé mer et monde pour arriver jusque là et ils continuent toujours à pied leur marche vers la vie. Le jeune homme, blessé dans tout son être par un policier qui le bouscule, se protège de  son agresseur en criant de toutes ses tripes : « Nous ne sommes pas des animaux, nous sommes des humains! »


P.S. : Pour qui ne l’aurait pas encore vu, le documentaire,  FIN DE LA PAUVRETÉ?,  permet de situer le drame des réfugiés dans un contexte global (in the whole picture). Suivre ce lien :




                                                        Eloy Roy

  





 


1 septembre 2015

UNE HUMANITÉ NOUVELLE EST EN MARCHE



                                                                                                                                          Ph: Pravda ch

 Quand l’œuf commence à craquer              
 le poussin n’est plus très loin.

Je crois que nous ne pouvons vraiment rien contre la puissante machine qui régit notre monde jusque dans ses moindres cellules.  Pourtant, je sens qu’une Humanité Nouvelle est en marche.
Elle ne sort pas de nos académies, ni de nos avant-gardes révolutionnaires, ni de nos religions naïves et bourgeoises, ni de nos politiciens les plus éclairés : elle naît du peuple qui souffre.
Elle vient avec les migrants et les réfugiés, les plus pauvres d’entre les pauvres, qui se déversent par vagues géantes sur les côtes de l’Europe de l’ouest et de l’Amérique du nord. Ils sont là qui s’entassent sur de minuscules îles d’Italie, de Grèce et d’Espagne; ils forcent les portes de l’Autriche et de la Hongrie; ils se jettent, les nuits sans lune,  dans les eaux noires du Río Grande. Ils enjambent des murailles  infranchissables pendant que derrière eux des milliers de semblables sont avalés par la mer ou dévorés par les rats sur des rafiots de misère à la dérive au milieu de nulle part.  
Ils sont tracassés, exploités, trafiqués  par les coyotes, pourchassés par les policiers et leurs chiens, tirés à bout portant comme des lièvres par les « propriétaires » du monde. Ils pourrissent vivants dans des camions ou dans des conteneurs abandonnés, ils s’accrochent à des trains à haute vitesse pour traverser les tunnels de l’horreur, ils mangent de la terre pour survivre, ils agonisent comme des insectes dans les déserts. 
Ils ont faim et soif d’eau, de pain, de lumière, de justice, de dignité, de paix, de joie, de tendresse, de liberté; ils ont soif de vivre! Rien ne les arrête. Ils n’envahissent pas la terre des autres; ils viennent simplement cueillir une parcelle de la richesse qui leur a été arrachée et qui est gardée sous mille verrous dans les coffres-forts des « paradis » du nord.
En vérité, ces hommes et ces femmes qui ne craignent pas de mourir pour pouvoir vivre, sont ceux et celles dont L’Évangile dit: « Jusqu’à présent le Royaume des cieux souffre violence, et des violents le prennent de force. » (Matthieu 11, 12).
Eux, les damnés de la terre, que l’on tue sans qu’ils ne tuent, et qui ne sont pas les bienvenus à l’intérieur des bastions de notre prospérité, Dieu les  bénit. Ils sont, sans le savoir, les saints du monde nouveau. Ils défoncent nos portes closes, non  pour piller et assassiner, mais pour les ouvrir à une civilisation « pleinement humaine » où,  sur la Terre, qui est de tous et de toutes,  plus personne ne devrait se sentir étranger.
Osons au moins le rêver…
                                                         Eloy Roy

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