NOËL 2019 EN 3 TEMPS
1 - Sur le seuil de l'Étable
Bonjour, Dieu. Entre
donc! Mais non, tu ne déranges pas du tout, tu es si petit. Ce n'est pas très beau ici
dedans, mais c'est tout ce que l'on a. Moi je t’attendais sur les nuées du ciel
et voilà que tu apparais dans une étable. Je te voyais brillant comme le soleil
et tu viens en petit enfant de
réfugiés. Ça m'étonne, mais bon. Tu
sais, je pensais te faire plaisir en t’imaginant très grand et très au-dessus
de nous, mais je vois que ça ne marche pas comme ça avec toi: on dirait que la grandeur pour toi, c'est d'occuper très peu de
place et de te faire encore plus petit que nous. Vraiment, on ne s'attendait
pas à cela... C'est peut-être pour cette raison qu'on ne fait plus grand cas de
toi... Tu es tellement petit!
Peut-être veux-tu
nous dire qu'un grand, ce n'est pas quelqu'un qui a cessé d'être petit, mais
c'est un petit qui a grandi. Et qu'il n'y a pas de vie pleine, pas d'avenir,
donc pas de «salut» sans le
«petit» en nous et sans les «petits» autour de nous.
Le «petit», c'est ce
qu'il y a de plus secret en chacun.e, et
les «petits», ce sont les enfants, bien entendu. Ce sont aussi les personnes,
les familles, les quartiers, les peuples
entiers que notre vieille «façon
d'être» a maintenus depuis des siècles en état d'infériorité et de misère
en leur refusant une possibilité sérieuse de grandir...
Depuis ta petitesse,
Dieu, tu veux nous dire des choses formidables. Viens, entre donc, tu es ici
chez toi....
Je ne me demande pas si oui
ou non Jésus était Dieu. Je me dis seulement que si Dieu parle à travers les oiseaux, le vent, la lumière et tous les
événements de la vie, il a sûrement parlé à travers Jésus de Nazareth. En tout cas, c’est ce que ses premiers disciples
ont cru. Et, à mon tour, c'est ce que je crois aussi.
Quand l’évangéliste Luc
nous raconte l'histoire de Jésus qui vient au monde dans une étable, ce n’est pas un historien, un journaliste ou un
scientifique qui s'exprime, mais un croyant, c'est-à-dire quelqu'un qui est
capable d'entrevoir la Réalité qui se profile derrière les signes qu'il a
devant les yeux.
À travers son récit
touchant, Luc veut nous dire sûrement que le fameux «Dieu tout-puissant» n'est
pas épeurant comme on l'a déjà cru. Il vient à nous comme sur la pointe des
pieds en se faisant aussi petit et fragile que nous. Luc veut que le monde
entier sache que, même si notre demeure n'est qu'une étable, Dieu veut bien emménager chez nous. Pourquoi?
Parce qu'il croit en nous et nous aime beaucoup.
Il sait qu’un bon jour
nous allons comprendre que notre avenir d’humains n’est plus dans les lois, ni
dans les temples, ni dans le pétrole, ou les minières, ou les drones, ou la
croissance à tout prix, ni dans la bourse ou dans nos armées, ou dans des
buildings cent fois plus hauts que les pyramides, ou dans le fameux LHC, ou
dans toujours plus de science, de police, de prisons ou de bombes... mais tout
simplement dans une « façon d’être » totalement différente de celle qui a été
la nôtre jusqu'ici…
Certes, nous avons
accompli des choses grandioses avec notre «façon d’être » actuelle, n’empêche
que d’un paradis nous avons fait une étable; notre Terre est devenue une
immense poubelle et la moitié du monde a été transformée en cimetière.
Je me demande pourquoi nous
en sommes arrivés là. Serait-ce parce que nous serions à moitié anges et à
moitié démons? Je ne crois pas. Je pense plutôt que nous sommes des humains normaux,
sauf que nous ne sommes peut-être pas encore complètement nés à notre
humanité…
Cette façon que nous
avons de voir et de penser, cette façon de vivre, cette « façon d’être » qui
nous a amenés à la situation actuelle, craque de toutes parts. Tout nous dit
qu'il faut muter. Que nous sommes mûrs
pour un immense bond en avant capable de nous faire « naître » pour de bon à
tout ce que nous sommes vraiment au plus
profond de notre être.
Au début des deux
derniers millénaires, Jésus a lui-même effectué un bond vertigineux à partir
d’une étable et d’une croix. En
traversant nos morts, il nous a secoués pour éveiller les puissances de vie qui
dorment en nous. Il nous a ouvert le
chemin. Il nous a montré un autre horizon. Il nous a fait entrevoir une autre « façon d’être » où, dans notre réalité de chair, nous pourrions vivre
une humanité plus vraie, plus large, plus profonde, plus libre, et où nous dépasserions
tout ce qui, par manque de conscience, nous referme, nous sépare et nous divise. Avec
lui notre conscience a commencé à s'ouvrir dans la direction de notre véritable
stature. Il nous a mis en appétit, il nous reste maintenant à faire le bond.
Pour ce bond, Dieu
lui-même, par pure grâce, vient nous chercher dans nos « étables ». Que nous
soyons croyants ou non, les grands traits qui font que Jésus se soit identifié
à nous jusque dans notre mort sont déjà ensemencés dans notre être et se
préparent à éclore. Une nouvelle « façon d’être » va fleurir sur la surface de
la Terre. Nous serons plus véritablement humains.
3 -Étoile des Mages versus «Trous noirs»
Trou noir avalant une étoile
Il y aurait 100 millions de trous noirs dans l'univers
À l'approche de
Jérusalem, capitale du grand roi Hérode, l'Étoile des Mages s'éclipsa comme si
elle avait frappé un «trou noir». Le trou noir est un monstre astronomique qui
dévore les étoiles sans laisser échapper d'elles la moindre étincelle de
lumière. Il n'y aurait donc pas de paix possible entre l'Étoile de Noël et tout
système humain qui se comporte comme un «trou noir» face aux droits de la personne et des peuples, face à la
démocratie, face à la voix des jeunes, des femmes, des autochtones, des immigrants
et des personnes différentes, et qui fait la sourde oreille aux cris de la rue
et aux signes de détresse de la Terre elle-même...
Dès qu'elle
s'approche de ces «trous noirs», l'Étoile de Noël pâlit et disparaît. Mais elle
a ceci de particulier qu'elle revient toujours. Elle se rallume parfois là où
on l'attend le moins, comme en Iraq, et au Liban et même en Iran. À Hong Kong,
elle tient bon. Au Chili, en Haïti, en Algérie aussi. Parfois un grand
dirigeant corrompu s'en va, une tête roule, mais cela ne suffit pas. On réclame
du neuf ou rien. À la vue de la Maison Blanche, l'Étoile prend la poudre
d'escampette... Au Vatican, elle paraît crevée, mais elle s'accroche.
De fait, l'Étoile de
Noël ne meurt jamais. Quand elle est réapparue
aux Mages, un réseau céleste est venu les prévenir que leur vie ne pendait plus qu'à un
fil, car le roi Hérode était très fâché contre eux. Ses services secrets
l'avaient dûment informé que ces Mages étrangers avaient découvert un
nouveau-né dans une étable de Bethléem; ils
s'étaient agenouillés devant lui, l'avaient salué comme le Roi des Rois et l'avaient couvert de cadeaux. Hérode était au
bord de l'apoplexie. «Le seul roi, c'est moi!», s'était-il écrié en déchirant
ses vêtements. N'eût été de l'Étoile qui
leur montra un chemin par où s'échapper, les pauvres Mages étaient cuits.
Floué par eux, Hérode
entra donc dans une colère dont on parle encore aujourd'hui, car, pour se calmer, il ordonna de massacrer tous les enfants de
Bethléem qui avaient moins de deux ans. Histoire de tuer dans l'œuf le moindre
soupçon d'éventuelle sédition autour de ce gamin que les Mages effrontés
avaient traité comme un dieu.
L'enfant de la
crèche, cette improbable graine de subversif, se sauva de justesse de la fureur
du roi, grâce à Joseph, son père.
Celui-ci, voyant venir le coup, prit le bambin avec sa mère et s'enfuit en pleine nuit avec eux en direction de
l'Égypte. En exil, dans le pays même où 1250 ans auparavant avait commencé
l'incroyable saga du fameux «Peuple de Dieu», la belle Étoile qu'Hérode avait
failli éteindre, refit le plein d'énergie.
Un an passa, puis
Hérode, pour une fois dans sa vie, fit une bonne chose: il mourut. L'Étoile
dansa de joie. Sans perdre une minute,
elle se remit en route et rentra au pays avec Joseph, Marie et le petit. Cette
fois, elle mit le cap directement sur la bagarreuse Galilée, ancien fief de
Nephtali et de Zabulon. Normalement, ce petit coin de l'univers aurait été un
paradis, si, pendant des siècles, le
monde entier ne lui avait pas envié son lac magnifique, sa terre
fertile, son poisson, ses figues, ses vignes, ses moutons et sa situation
idéale pour faire du commerce avec les
pays étrangers. On se l'arrachait de tous bords et de tous côtés. La Galilée
était saignée à blanc. Elle était à bout.
C'est dans cette
Galilée qu'au retour d'Égypte l'Étoile a
grandi. Et c'est là, au bord du lac, qu' elle a pris chair, os, cœur, sang et
visage, et qu'elle est devenue «Jésus».
Dans la personne de
Jésus, elle a marché avec les piétinés du pays et n'a fait qu'une seule chair
avec eux. Elle les a relevés, les a remis en marche, les a sortis de leurs
tombeaux. L'Étoile de Noël, en la personne de Jésus, est devenue la "lumière
des nations".
Ça ne dura pas trois
ans. Les petits Hérode qui avaient remplacé le Vieux, mort depuis peu,
continuaient de faire trembler le pays. Il faut dire aussi que la présence sur
le terrain de la Légion romaine (vraie bande d'éléphants sauvages lâchés dans
un centre d'achat) n'arrangeait pas les choses. Donc, le «trou noir» de
Jérusalem- Bethléem- Galilée avait toujours de beaux jours devant lui.
D'autant plus qu'il
pouvait compter sur la totale collaboration de la clique de grands-prêtres et
d'experts en religion qui se prenaient pour les
«propriétaires de Dieu et les maîtres infaillibles de la Vérité». Depuis
la forteresse du Temple où ils
trônaient, ils menaient une guerre implacable à tous les contestataires qui ne
leur obéissaient pas au doigt et à l'œil.
Or notre Jésus-Étoile
était justement un de ces contestataires, car il était un homme libre. Il n'
était pas un béni-oui-oui (à l'instar d'un tas de disciples qui se sont
réclamés de lui par la suite)... Il était le mal de tête des locataires du
Temple. Ces derniers, après avoir accumulé un dossier accablant contre lui, se sont jetés sur son
dos comme des hyènes et l'ont fait voler en éclats sur une croix. En plein midi
le monde plongea dans la nuit la plus obscure de l'univers. L'Étoile, cette
fois, était bien morte.
Mais, qu'on le croie
ou pas, à l'endroit même où il ne restait plus que vide et mort, l'Étoile est
réapparue en toute douceur dans le même souffle que le soleil levant du premier
jour d'une Création nouvelle. De simples pêcheurs qui n'avaient pas pris un
seul poisson au long d'une nuit sans fin, se sont «éveillés» soudain. Ils se
sont levés et lancés joyeusement sur tous les chemins de la grande aventure des
humains en partageant sans compter un
poisson à saveur de résurrection et d'éternel matin de printemps.
Aujourd'hui, après
deux mille ans, ces braves pêcheurs ont vieilli. Ils sont terriblement
fatigués. Ils ne trouvent plus de main-d'œuvre à bon marché pour faire le
travail à leur place. Ils ne sont plus capables d'innover, d'inventer ou de
créer. Ils sont prisonniers de leur petit monde, et bien qu'encore en vie, on
dirait qu'ils sont déjà embaumés... En tout cas, il n'y a plus de grand avenir
pour eux. Il est clair que le «Trou noir» a gagné. Pour l'Étoile le coup est
très dur.
Est-ce que l'Étoile
s'en remettra? Surprendra-t-elle de nouveau? Se rallumera-t-elle?... Moi, je
jure que oui... Mais je jure aussi que les choses ne seront jamais plus
pareilles. NUNCA MÁS! Tout sera complètement neuf!
ELOY
ROY
«Voici, je refais tout à
neuf» (Apocalypse 21,
5).
Magnifique ! merci !
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