19 juin 2013

LE CRUCIFIX DE L’ASSEMBLÉE NATIONALE



« Il sera un signe en butte à la contradiction » (Luc 2, 34)


Dans le Québec d’autrefois le crucifix était roi. Il était  la marque d’appartenance à l’Église catholique. Pour certains il n’était qu’une simple décoration ou un objet de superstition. Pour bien d’autres, il était le symbole vénéré de l’amour extrême de Dieu pour l’humanité, ainsi qu'il est écrit dans l’évangile : « Dieu a tant aimé les humains qu’il leur a donné son Fils unique, non pour les condamner, mais pour les sauver » (Jean 3, 16-17). 

Mais dans le Québec d’aujourd’hui, les crucifix ont pratiquement disparu. On n’en  trouve que dans les églises, les maisons religieuses et quelques rares foyers. Ou dans des musées. 

Chose curieuse, le salon bleu de l’Assemblée nationale n’a pas perdu son crucifix. Par un miracle dont seule la politique a le secret, il exhibe toujours son crucifix, bien accroché au-dessus du fauteuil du Président. Il n’a pas bougé depuis des années. Pour combien de temps encore? Nul ne le sait. Pour le moment, il divise les Québécois en deux camps qui se crêpent le chignon comme un tas de coqs  dans un même poulailler.

D’un côté, les tenants d’une laïcité stricte de l’État réclament sans pitié la tête du crucifix. De l’autre, des croyants ou non croyants, qui reconnaissent dans ce symbole religieux tout un passé qui a contribué largement à forger l’identité culturelle de la nation, tiennent mordicus à ce qu’il reste là.

Je demande à Jésus ce qu’il en pense. Il me répond tout de suite,  sans montrer aucun signe de vouloir brandir contre la laïcité les foudres de la divinité. Au contraire, il est tout sourire et semble me dire:


        -  Tu sais bien que je ne vis pas dans les crucifix...

Je vis dans le génie du peuple de ce pays qui a grandi comme un grand arbre et  résisté à tous les vents. Ces dernières années, des branches d’essences nouvelles sont venues nombreuses se greffer sur lui. J'aime les racines de ce peuple capable de porter la vie et l’avenir de tant de monde.

J'aime la liberté, la créativité et l’impétuosité qui marquent sa jeunesse. J'aime la justice qu’il ne cesse de chercher. J'aime sa compassion et ses élans de solidarité. J'aime les facettes nouvelles qui donnent à son visage des airs de famille avec toute l'humanité… 

Je vois que Jésus a de l’affection pour les braves gens qui désirent honorer Dieu en défendant  les symboles de leur passé religieux : « Sans les racines, insiste-t-il, il n’y a pas d’arbre ». Par contre, il semble souhaiter que tout le monde revisite cette page de l'Évangile où il est dit que la vie, l’avenir et même le salut ne se trouvent pas dans les vieilles outres, ni dans le raccommodage de vêtements qui ne se portent plus (Marc 2, 21-22).

Pour aller plus loin :

Le crucifix est d’abord l’image de cet homme réel, appelé Jésus, qui a été cloué à une croix. Par qui? Par les chefs religieux et le pouvoir colonial de sa nation.

Pour quel crime?

Celui d’avoir incité son peuple à se débarrasser de la peur chronique dans laquelle le fondamentalisme religieux et le cynisme de ses dirigeants le tenaient garrotté.

D’abord accueilli comme un messie et même acclamé comme un dieu, il n’a pas tardé à décevoir. Les gens du petit peuple qui s’attendaient à ce qu’il leur bourre la panse et résolve tous leurs problèmes sans devoir changer leur mentalité d’esclaves, lui ont tourné le dos. Ceux qui croyaient que la seule façon de changer les choses était de prendre les armes, l’ont rejeté.  Et ceux qui prétendaient qu’il fallait plutôt se tourner vers la religion en en pratiquant les moindres détails, l’ont simplement pris pour un démon. À la fin Jésus est resté seul. Et on le tua.  


Malgré cet échec,  et en dépit de bourdes sans nom commises par les nombreux faux disciples venus après lui, cet homme continue d’être une source d’inspiration inégalée pour les humains qui cherchent à vivre en liberté dans un monde de justice et de fraternité. Et il l’est tout autant pour beaucoup de gens qui espèrent encore que la mort ne soit pas le  dernier mot sur la vie.

La relation intime avec le Dieu vivant a été le grand secret de la vie de Jésus. De cette source ont jailli les idées-forces qui l’ont guidé  sur son chemin et ont triomphé avec lui de l’ultime épreuve de la croix. Parmi elles, nous retiendrons celles-ci :

Toute loi, même celle que l’on croit marquée de l’autorité suprême de Dieu, n’est pas vraiment de Dieu si elle accable au lieu de rendre libre.

Aucun pouvoir n’est légitime s’il se sert des humains au lieu de les servir.   

Dieu ne remplace pas l’État et l’État n’est pas un dieu.

Les femmes, les enfants, les personnes et les peuples traités comme inférieurs jouissent de la même dignité et des mêmes droits que les individus et les groupes qui s’estiment supérieurs à eux.  

Tout être humain : étranger, ennemi, pécheur, criminel, brisé dans son corps ou dans son esprit, a droit à être traité avec respect, justice et bonté.

Toutes ces grandes activités de la vie comme la culture, l’économie, l’art, la science, l’éducation, la santé, les communications, la politique, la morale et la religion, si elles ne mettent pas la personne humaine et le bien commun au centre de leurs préoccupations, loin de diminuer les souffrances de l’humanité, risquent grandement de les aggraver.  

Tout ce que l’on fait au dernier des humains, est fait à toute l’humanité; et,  pour ceux qui croient en Dieu, c’est  à Dieu lui-même que cela est fait.

Combattre un mal par un autre mal est le moyen le plus sûr de finir par se laisser avaler par le néant.

Le Dieu vivant n’est prisonnier d’aucun temple, car il n’a pas d’autre demeure que les êtres humains; et il n’a pas de plus grande joie que de les voir s’aider à se tenir debout.

Toute dictature, même celle qui semble vouloir se légitimer par le Progrès, la Religion ou la Paix, est hypocrite et criminelle; tôt ou tard elle engendre corruption, aliénation et misère et doit être chassée à coups de fouet. (Ceci s’applique, bien sûr, à la dictature du Marché des plus grands escrocs du monde qui se font une joie de saccager le grand Temple de la Terre sous le prétexte absurde d’en assurer l’avenir…).

Le vrai Progrès est celui dont les bienfaits s’étendent  à tous les hommes et à toutes les femmes de la Terre, et non seulement à une poignée d’hommes et de femmes qui possèdent déjà plus de biens que tous les pauvres de la planète mis ensemble.

La vraie Religion consiste à aimer gratuitement, car c’est gratuitement que Dieu aime tout ce qui est.

La vraie Paix, la seule qui mérite ce nom, est celle qui se construit sur la justice et qui a en horreur toute forme de mensonge.


Pour avoir vécu en accord avec ces principes et pour les avoir propagés, Jésus est torturé et condamné à la croix comme un rebelle, un scélérat et un apostat. Voilà ce que signifie le Crucifix.

Un homme, en qui certains voient le Fils de Dieu, est rejeté parce qu’il remet en question la façon très étroite et peu humaine dont nous, les humains, avons l’habitude de voir les choses et de nous gouverner.  

Très souvent nous préférons nous accrocher à nos crucifix plutôt que de prêter attention à ce qu’ils signifient.

Ou carrément nous nous débarrassons de ces crucifix parce que trop longtemps ils ont été utilisés pour sanctifier tout le contraire de ce qu’ils signifiaient.
                                                                           
                                                                                             Eloy Roy




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