16 octobre 2018

ROMERO, LE "BAGARREUR"



Le pape François a donné une consigne aux jeunes des JMJ 
rassemblés à Rio en 2013: «Faites de la bagarre!». Ces jours-ci,
il déclare saint un  évêque qui a dû se bagarrer en ayant contre lui
la majorité des évêques, ainsi que le pape de l'époque et celui qui 
devait lui succéder. 
 

ROMERO, LE "BAGARREUR"

Romero est un saint qui de réactionnaire est devenu  révolutionnaire. Un saint de la non-violence et du pardon, sûrement, mais d'abord et avant tout un saint de la justice. Il est, parmi d'autres, le saint des sans-voix, le saint de l'anti-establishment, le saint de la libération des opprimés, le saint qui s'est confronté à des oppresseurs bien définis et à leur implacable machine d'exploitation et de destruction. Romero est un saint qui a incarné l'évangile de Jésus en bravant des forces contraires très puissantes, mais dont les plus sournoises et les plus cruelles vinrent, comme il arrive souvent, du dedans même de l'Église.

Il est à souhaiter que la cérémonie de canonisation, les messes pompeuses, les auréoles dorées, les joues roses, les palmes, les reliques, les images fleuries ne parviennent pas à émasculer totalement le valeureux défenseur des pauvres. Car Romero n'est pas canonisé pour qu'on le prie de guérir la scarlatine du petit dernier ou les coliques de la mère supérieure (ou du père supérieur), mais pour attaquer de front le système politique, économique et social qui, au El Salvador comme dans tous les pays du monde, crée la pauvreté et en assure la croissance et la pérennité.

Romero a déjà appartenu mais n'appartient plus à l'apparatchik clérical. Il est le frère de sang des millions de dépossédés d'un pays dont quatorze familles se sont emparées par la force et par la corruption et qui le gèrent depuis toujours comme leur "ranch" privé. Cette oligarchie est entourée d'acolytes armés jusqu'aux dents,  qui sont comme une sorte de sous-produit de l'empire yankee.  Tuer ou faire tuer près d'une centaine de milliers de paysans dépouillés de leurs terres ne leur pèse pas au bout du doigt, même pas lorsque  parmi eux se trouve un archevêque pas comme les autres qui tente de leur gâcher la fête.

En canonisant Romero, le pape François (qui comprend beaucoup de choses parce qu'il est latino-américain) vient réparer, en partie, une très grave injustice.  Il proclame devant le monde entier que le combat féroce que cet homme a livré dans son pays n'était pas le combat d'un activiste communiste illuminé mais bel et bien celui d'un fidèle disciple de Jésus.
 
Les Salvadoriens connaissent bien l'assassin de Romero: un haut gradé de l'armée qui n'a jamais été poursuivi. Cette canonisation devrait les encourager à continuer plus que jamais à réclamer justice.

Osons espérer aussi qu'elle inspirera un repentir réel et sincère aux évêques, aux prêtres et laïques qui n'ont ménagé aucun effort pour rendre infiniment plus lourde et plus cruelle la croix de Romero. Espérons également que, du ciel, le pape polonais (déjà canonisé!) versera au moins une larme. Car il avait répondu aux cris de détresse de son frère archevêque de San Salvador en le sermonnant jusqu'à le faire pleurer. Même qu'il le renvoya de son bureau pontifical en lui intimant l'ordre de cesser de nuire au gouvernement militaire du El Salvador qui, même s'il n'était pas très bon catholique, avait au moins le mérite de ne pas être communiste (!)... Ceci s'est passé au Vatican, à peine deux ou trois semaines avant que Romero ne soit abattu en pleine messe par un homme de main du soi-disant gouvernement catholique du El Salvador.

Oscar Romero est aujourd'hui encensé ici et là comme le saint patron "d'une 
Église qui a payé le prix du sang pour avoir eu le courage de s'opposer aux 
dictatures militaires". C'est juste, mais il faut savoir de quelle Église il s'agit. 
Car il y a deux églises: une église d'en-haut,  qui pendant des siècles a joué 
dans la cour des dictateurs et des  gens pourris d'argent, et une église d'en bas, 
qui était l'église de Romero. Dans une large mesure, l'église d'en-haut a été 
complice directe ou indirecte de véritables fleuves de sang répandus par de 
nombreux Romero et par des milliers d'hommes et de femmes identifiés à la 
cause des pauvres. Saint Romero n'est évidemment pas le saint patron de 
cette église d'en-haut qui, pour comble, a la très mauvaise habitude de  
canoniser (afin de les récupérer) ceux-là  qu'elle a elle-même contribué à 
crucifier. 

 
Romero ne peut certes pas être le saint patron de l'Église de l'Opus Dei, des 
Légionnaires du Christ, et autres organisations de la droite catho qui furent 
dûment mandatés par Jean Paul II et son successeur, Benoît XVI, pour anéantir
la Théologie de la libération, les Communautés ecclésiales de base et "L'Église 
des Pauvres" pour lesquelles Oscar Romero lui-même (et des milliers d'autres) 
ont versé leur sang en Amérique latine... Oublier cela ou persister à le nier 
équivaut à cracher de nouveau à la figure de l'homme que le Pape François 
vient de canoniser. 
 
Ne nous y trompons pas: le plus grand péché de l'Église, ce ne sont pas les 
scandaleuses frasques de prêtres et d'évêques  contre le sixième commandement, 
mais le rejet presque congénital qu'elle a toujours manifesté à l'égard de ses 
prophètes, sauf quand ils sont morts. (Lire à ce sujet: Matthieu 23, 29-32).
 
Ceci étant tiré au clair, que le nouveau, le courageux et magnifique saint des 
Amériques, Oscar Arnulfo Romero,  soit connu et imité dans le monde entier!
                                         
                                                       Eloy Roy
 

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