LE SERPENT QUI GUÉRIT
Évite le mal tant
que tu peux, mais quand il te rattrape, te coince, t’assiège, te harcèle,
t’envahit, quand il prend le dessus sur toi, te gagne, te possède, te domine,
tourne-toi vers lui. Regarde-le dans les yeux, fais-lui un grand sourire,
ouvre-lui ta porte, fais-le entrer chez toi, accueille-le comme un ami. Ce
faisant, tu vas le désarçonner. Son adrénaline va baisser de moitié. Sa tension
artérielle va chuter, son rythme cardiaque va se couper en deux. Il ne saura
plus quoi faire de ses griffes et de ses dents. Il va se sentir embarrassé,
gêné, confus, peut-être honteux.
Tu lui diras :
« Tu n’es pas mon ennemi, car tu fais partie de moi. Tu es mon frère
jumeau non compris et mal aimé. Assieds-toi. Reprends ton souffle. Mets-toi à
l’aise. Sois le bienvenu chez toi!
Tu es tout ce que
je ne veux pas être; tu es cette partie de moi-même que je rejette, je déteste,
que je m’efforce depuis toujours de refouler dans les recoins les plus reculés
de mon être. Tu es tout ce que je déteste de moi-même. Toi, tu m’aimes, car tu
n’as pas de vie sans moi, et moi je te hais parce que je crois que c’est toi
qui gâches ma vie. Pourtant, tu es la moitié de moi-même. Toi tu es Abel, moi
je suis Caïn.
Jamais je n’ai
réussi à t’expulser entièrement de moi, et c’est heureux, car j’aurais perdu la
moitié de ce que je suis, et je serais mort. Plus je me bats contre toi plus je
me fais mal. Boomerang.
Aussi bien faire la paix. Se parler. Tenter
de se comprendre. Si tu es malade, c’est parce que je t’ai haï toute ma vie. La
maladie que tu m’apportes, c’est moi qui te l’ai donnée. Si tu m’empoisonnes,
c’est ma faute. Maintenant, il est peut-être trop tard, je ne sais pas. Mais
faisons la paix avant de mourir.
Tu n’as pas de
cornes, tu n’as pas de griffes, tu n’es pas méchant. C’est moi qui t’ai imaginé
comme ça. Tu n’es pas intraitable, tu n’es pas laid, tu n’es pas sot, tu n’es
pas un monstre ni un démon.
« Moïse façonna donc un serpent
d’airain… Si quelqu’un était mordu par un serpent, il regardait le serpent
d’airain et restait en vie » (Nb 21, 9).
« De même que Moïse a hissé le
serpent au désert, il faut que le Fils de l’Homme soit suspendu, afin que tous
ceux qui lui font confiance aient la vie sans fin » (Jn 3, 14-15).
Jésus
déchiqueté et suspendu à la croix est le miroir qui me renvoie l’image de mon
mal et du mal de l’humanité. Là se cachent le visage de Dieu et le commencement
de ma guérison.
Eloy Roy
Commentaires
Publier un commentaire