De toutes les violences des millénaires passés, la plus cruelle est celle des frontières
fermées, des barrières en travers, des
murs de fer laissant des masses entières prises en souricière.
LA SOURICIÈRE
Boing!
quatre
murs de béton
m'enserrent
de tous côtés
des
barreaux de fer me traversent le cœur
le toit trop bas
m'empêche de me dresser
nulle place
pour ma carcasse
sur le sol puant
de la souricière
Chinadailay
je suis seul-e
ma tête fait mal
je suis mille
cent mille
des millions
dans la souricière
nous fuyons
vers un même canot de sauvetage
le seul
conçu pour cinquante personnes
bien comptées
bien pesées
bien rangées
en réalité
nous sommes des centaines
à nous jeter dedans
Europe West Edu
à nous entasser
à nous serrer
à nous empiler
à nous engouffrer comme dans un
goulot
à nous écraser comme des sardines
prêtes à être servies
avalées, digérées
par des requins humains
au ventre affamé
et aux dents acérées
pour un seul canot
nous sommes des milliards
les visages pâles
les visages émaciés
ravagés
les teints foncés
les réfugiés
les crève-faim
les exclus toutes catégories
les sans travail
les femmes, les enfants
les pauvres, les déguenillés
les fainéants, les drogués
les itinérants, les vieux
les ratés, les paumés
les "pokés", les éclopés
les écorchés
les "étrangers"
de la Terre
pas de place
pour nous
nulle part
comme si
nous n’étions pas d’ici
comme si nous étions
du continent de ces déchets de
plastique
qui flottent à la dérive
sur les eaux vinaigrées
du cimetière
de nos océans
comme si nous étions
d’une autre galaxie
nous
les moins-que-rien
clairement
nous sommes de trop
sur la Terre-de-tout-le-monde
devenue "country club" privé
d’une petite poignée
de méga multimilliardaires
hyper géants
plus grands que les dieux
majestueux comme des condors
et charognards
comme eux
qui n'en ont jamais assez
bientôt
sur la Lune, sur Mars, sur Vénus
pousseront leurs châteaux
avec barbelés
et tout
ils s'empareront du soleil
Dieu
il y a longtemps qu'ils nous l'ont
volé
lui qui était l'un de nous
certains disent
qu'il n'existe pas
le contraire serait surprenant
puisqu'il est demeuré l’un de nous
les moins que rien
qui jamais
n'avons existé
en nous
Dieu s'est éteint
chut!
ne pas dire
ces choses-là
au fond
des abysses
dort toujours
quelque chose
comme un rebond
ici
d'une radicelle
encore en vie
pousse plus haut
pousse plus beau
un arbre nouveau
là
sur le roc puissant
qu'elle découvre
sous ses décombres
la maison écroulée
se remet sur ses pieds
pour des milliers d'années
le monde meurt
et naît
tous les jours
La Souricière
va bientôt faire "boum"
Eloy Roy
Aucun commentaire:
Publier un commentaire