Quand on veut construire sur un terrain qui a été souillé par des substances toxiques, on doit auparavant prendre soin de le décontaminer. De nos jours l’Église, plus que jamais, veut présenter au monde un visage de Dieu débordant d’amour, mais le terrain est déjà occupé ; il est même contaminé depuis des millénaires par l’image d’un Dieu lointain qui fait peur au monde. Jérémie avait déjà dit que pour planter il fallait d’abord déraciner, pour construire, il fallait commencer par démolir. (Jérémie 1,10)
À la une de son premier numéro de 2016, le magazine satirique Charlie Hebdo publie la caricature d’un dieu à barbe, portant sur
la tête un triangle bien connu avec un œil au milieu. Il a les sourcils froncés d’un vieux méchant.
Il porte sur son dos une kalachnikov, il a du sang sur les mains et il fuit
comme un trouillard, un sale type. S’il s’agissait d’Allah, les antimusulmans
s'en réjouiraient certainement, mais il ne s’agit pas d’Allah. D’après la
coiffure, il dénonce plutôt notre « bon » Dieu, à nous les catholiques qui serait, semble-t-il, responsable des
violences de notre monde . Dur coup pour nos âmes sensibles.
Et pourtant, les caricaturistes de Charlie Hebdo font seulement ce que nous-mêmes aurions dû
faire depuis toujours : ridiculiser et détruire nos images du Dieu
Tout-Puissant. Nous avons, pendant des siècles, fabriqué des images de l’implacable
Dieu de la Loi. Ces images, nous les avons propagées aux quatre coins du monde et
les avons gravées au plus profond du psychisme humain. Refoulées ou reniées,
elles subsistent toujours au fond de nous-mêmes, et, au moment le moins
attendu, refont surface, même chez les athées. Elles contaminent le terreau de
la conscience religieuse et constituent sans conteste un des plus sérieux
obstacles à la Bonne Nouvelle de Jésus.
Il n’est, en effet, jamais loin dans notre subconscient ce Dieu Terrible
qui, pendant des générations, nous a fait trembler. Il est toujours quelque
part dans notre imaginaire, ce dieu ennemi de la vie, de la joie, du plaisir et
de la liberté, ce dieu qui regarde de haut la science, l’art, la démocratie,
les droits de la personne ; ce dieu
assoiffé d’ordre, d’obéissance, de devoirs et de sacrifices qui précipite en
enfer les 99% de l’humanité, sauf les vierges, les culs bénis, les eunuques,
les faces de carême, les dictateurs catholiques et les ploutocrates de tout
poil. Ce dieu de la loi, du pouvoir et de l’ordre, ce dieu du rigorisme moral, ce
dieu des soumis, des rampants, des non-pensants, ce dieu qui devrait être mort,
eux, à mon avis, les athées et les super laïques de Charlie
Hebdo, le traitent encore trop révérencieusement.
On sait bien, ou on devrait savoir, que le Dieu de Jésus de
Nazareth n’a rien d’un Père Fouettard. Le dieu guerrier et vengeur, ce dieu qui
ne sourit jamais n’est qu’un fantasme, fruit de nos peurs et de nos névroses. Il est
enfoui dans les
sous-sols les plus ténébreux de notre être depuis les premières heures de notre
existence quand le déchainement des puissances destructrices de la nature a
littéralement traumatisé nos consciences naissantes. Ne trouvant aucune
explication à cette violence, nous avons imaginé alors que ces éléments de destruction
étaient maniés par une force mystérieuse, encore plus dévastatrice qu’eux, tôt
identifiée au « Divin ». Il y a donc longtemps que nous sommes
contaminés.
Depuis une soixantaine d’années l’Église ne se fait plus
le porte-parole du « Dieu des armées ». Mais elle n’a pas encore écrit
une encyclique qui signerait une fois pour toutes l’arrêt de mort de ce faux
dieu. Elle n’ose pas le déboulonner tout
à fait, car cette « nouvelle » doctrine
irait trop brutalement à l’encontre ce qu'elle a enseigné pendant longtemps. Ou peut-être parce qu’elle croit encore qu’il existe ce
dieu qui, par le passé, lui a été si
utile pour imposer l’ordre et les bonnes mœurs…
Quoi qu’il en soit, le dieu méchant occupe encore une place si grande
dans notre culture et notre inconscient collectif que le Dieu de Jésus reste
presque entièrement à redécouvrir par tout le monde, et tout d'abord par les chrétiens
eux-mêmes.
Le message de Jésus a été « remanié » par
l’Église. Elle a toujours occulté (ou presque) que le Dieu de Jésus s’insurge jusqu’au
sang contre la religion qui opprime au lieu de libérer, et contre tout pouvoir
qui écrase au lieu de servir. De ce Jésus qui, par obéissance à Dieu, n’a cessé de désobéir aux
grands-prêtres (qui vont le tuer sans tarder à cause de cette
désobéissance), l’Église a fabriqué un Jésus de parfaite obéissance à toute
autorité…. Cette distorsion est abominable et impardonnable.
Malgré ce péché sans nom, l’Église, au cours de notre histoire, nous a quand même laissé entrevoir, comme à travers les branches, le vrai visage du Dieu de Jésus, celui d’un Dieu bon, patient, miséricordieux, ami des pauvres et des pécheurs. D’un Dieu qui marche avec nous, se fait l’un de nous, prend le parti des petits et la défense des opprimés. Ainsi le Dieu humain, le Dieu libérateur, le « Bon Dieu » de Jésus n’a pas manqué de nous accompagner tout au long de notre route, mais l’autre, le vieux dieu de la peur, le dieu avec un œil sur le front, celui qui voit tout, a toujours été là lui aussi, suspendu sur nos têtes, la main levée et le doigt menaçant. C’est lui, d’ailleurs, qui , à toute fin pratique, a toujours eu le premier et le dernier mot.
Même si Jésus a détruit ce vieux dieu sur la croix, le vieux dieu n’est donc pas tellement mort en nous. Il vit encore dans notre inconscient. S’en débarrasser est gênant aussi longtemps qu’il occupera plus de la moitié des pages de la Bible, mais il faudrait bien faire un effort et l’envoyer une fois pour toutes à sa place, c’est-à-dire au plus profond des enfers.
Malgré ce péché sans nom, l’Église, au cours de notre histoire, nous a quand même laissé entrevoir, comme à travers les branches, le vrai visage du Dieu de Jésus, celui d’un Dieu bon, patient, miséricordieux, ami des pauvres et des pécheurs. D’un Dieu qui marche avec nous, se fait l’un de nous, prend le parti des petits et la défense des opprimés. Ainsi le Dieu humain, le Dieu libérateur, le « Bon Dieu » de Jésus n’a pas manqué de nous accompagner tout au long de notre route, mais l’autre, le vieux dieu de la peur, le dieu avec un œil sur le front, celui qui voit tout, a toujours été là lui aussi, suspendu sur nos têtes, la main levée et le doigt menaçant. C’est lui, d’ailleurs, qui , à toute fin pratique, a toujours eu le premier et le dernier mot.
Même si Jésus a détruit ce vieux dieu sur la croix, le vieux dieu n’est donc pas tellement mort en nous. Il vit encore dans notre inconscient. S’en débarrasser est gênant aussi longtemps qu’il occupera plus de la moitié des pages de la Bible, mais il faudrait bien faire un effort et l’envoyer une fois pour toutes à sa place, c’est-à-dire au plus profond des enfers.
En fait, ce dieu n’a jamais vraiment été Dieu. Il
représente seulement une étape dans le développement de la conscience
religieuse, à l’époque où les humains, comme des enfants, avaient à tout prix
besoin de croire que le dieu des uns, comme le père ou le chef du clan, était plus grand, « plus fort » et plus
puissant que celui des autres…
Pour les personnes qui, aujourd’hui encore, croient au diable, on pourrait affirmer que ce
dieu féroce était ni plus ni moins le diable lui-même, le Menteur par
excellence, le fourbe, celui qui s’est toujours déguisé en dieu pour usurper la
place de Dieu. On n’ose pas croire ni
s’imaginer encore que, le premier qui a démasqué ce Dieu fou, (bien avant Charlie Hebdo et bien d’autres mécréants),
c’est Jésus lui-même. Quand on est fidèle à Jésus, on devrait en faire autant.
Charlie
Hebdo rend
simplement service à l’humanité en stigmatisant dans sa page couverture ce
faux dieu coupable de tant d’atrocités commises au nom de la religion. Il rend
service à la vérité et à toute religion
qui cherche sincèrement à refléter l’image du Dieu de la vie. Quant à nous, les
bons chrétiens, pour nous débarrasser du dieu au triangle, avec son œil au
milieu, avec ses sourcils froncés et son doigt menaçant, un exorcisme nucléaire
de mille milliards de kilotonnes, nous ferait grand bien.
Alors Dieu n’est pas Tout-Puissant ?
La réponse chrétienne à cette question, c’est Jésus
crucifié. Le corps de Jésus déchiré sur la croix est l’image exacte de la
toute-puissance divine. C’est l’image même de l’Amour abondant, l’Amour
excessif, l’Amour tout-puissant qui se
vide entièrement pour donner la vie et révéler la victoire de la vie sur la
mort. La vie naît et renaît sans cesse dans l’amour qui se donne. Rien ne peut l’éteindre. Dieu n’est
pas autre chose que cette puissance.
Eloy Roy
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