23 novembre 2021

 

En se joignant à Jean le Baptiste, que les apparatchiks religieux considéraient comme un hérétique et un rebelle, Jésus vécut une expérience spirituelle qui l'arma d'une  confiance à toute épreuve. Telle était cette confiance qu'à partir de ce moment il ne recula devant aucun risque pour annoncer la bonne nouvelle qu'il portait en lui. Il le montra bien au sortir de la région du Jourdain: au lieu de prendre la route de retour vers la Galilée, il s'enfonça seul dans le désert pour y rester plus d'un mois, sans boire ni manger.

        Jésus fait une seconde rencontre 

                      très risquée

 

Ton baptême, cher Jésus,

ne t'a pas enlevé le goût du risque,

au contraire. 

Au moment de partir pour ta Galilée natale,

il t'a pris envie de faire un détour par le désert.


             Bein Harim Tours

Aller seul dans un tel endroit

n'est jamais très prudent,

mais c'était plus fort que toi;

le désert t'attirait comme un aimant.

 

Plus de mille ans auparavant,

c'est au désert que tes ancêtres,

à peine libérés de l'esclavage en Égypte,

avaient choisi leur avenir.

Pendant quarante ans, ils errèrent,  

déchirés entre la tentation de retourner en Égypte  

et l'énorme défi de tout recommencer

face à un monde inconnu.

À la fin, avec plus de peur que  d'enthousiasme,

ils choisirent de relever le défi  

de se reconstruire à neuf

sur des bases plus humaines

de ce qui était en vigueur

à leur époque.  

 

Les siècles filèrent

et les bases plus humaines

n'eurent guère de succès.


Mais, un jour que ton peuple

se retrouvait à nouveau

à la croisée des chemins,

tu es apparu au désert.

On aurait dit

que tu venais mener à terme

le projet de tes ancêtres.

 Pendant quarante jours,

dans une solitude totale, 

sans boire une goutte,

sans prendre une seule bouchée,

tu as vécu l'euphorie

avant que tout ne tourne au cauchemar.

Euphorie, parce qu'au désert tu trouvais

le calme et la liberté des grands espaces,

le mystère des montagnes grugées par les siècles,

le vertige des hauteurs,

la pureté de l'air,

l'exaltation des horizons sans limites.

Tu y trouvais le silence

et tout le vide dont tu avais besoin

pour savourer à ton aise

et assumer en toute conscience

la rencontre inouïe que, dans l'eau du Jourdain,

tu venais de vivre avec ton Abba.

Et puis, tu allais pouvoir enfin

te livrer en toute liberté

à tes rêves les plus doux et les plus audacieux.

 

Au début, ce fut l'extase,

elle dura plusieurs jours.

Ensuite, sans doute à cause de la faim,

vinrent les cauchemars

Idées, images, visions

ont commencé à tourner dans ta tête

comme aujourd'hui, dans les tournois de jeux vidéo.

Des mondes étranges ont défilé devant toi,

et t'ont captivé si fort

que tu semblais ne plus toucher le sol.

Depuis les tréfonds de ton être,

monta alors UNE PREMIÈRE VOIX.

Entre autres elle te disait:

«Si tu veux changer le monde

pour la gloire de ton Dieu

si tu veux que des fontaines

jaillissent dans le désert

et que dans les cœurs secs

croissent des fleurs

il n'y a qu'un moyen :

attire les foules!

Dans les foires, les gens viennent de loin,

ils se privent même de manger

dans le but de voir des choses insolites

comme un lapin sortant d'un chapeau

ou une femme sciée en deux.

Toi, fais un coup d'éclat:

donne à manger à ton peuple affamé !

Vends-lui du rêve, flatte-lui le ventre,

fais des miracles, de la magie, des feux d'artifice,

change les pierres en pain!

Car, après tout, Dieu est avec toi,

il te donne tous les pouvoirs.

Regarde les pierres grises de ce désert:

au nom de ton Dieu,

transforme-les en pains dorés!

Ce sera le triomphe!

Les gens viendront du monde entier pour t'entendre. 

Ils diront de toi que tu es la réincarnation de Moïse,

lui qui, au désert, sauva son peuple de la famine

en faisant pleuvoir la manne  et les cailles.

On t'acclamera comme le nouvel Élisée,

cet autre grand prophète

qui, un jour, multiplia les pains

pour sauver une multitude de la faim.

(2 Rois 4:42-44)

Crois-moi. Change les pierres en pain

et tous croiront en toi!

Tu seras proclamé Messie,

envoyé de Dieu,

ami de Dieu,

fils de Dieu

et Sauveur du monde.

Par toi, Dieu fera des merveilles

et toutes les nations te diront bienheureux.

Au nom de ton Dieu,

change les pierres en pain

et ta mission sera un succès mondial! »

 

Cette voix était douce, insinuante et très amicale.

Elle te plut et éveilla en toi le plaisir,

l'encouragement, l'enthousiasme,

mais aussi des réflexions très sérieuses.

Tenaillé toi-même par la faim,

tu savais mieux que quiconque

que sans pain on n'allait nulle part.  

Sans pain, il n'y avait pas de vie possible.

Sans le pain de chaque jour,

le monde n'avait aucun avenir. 

 

Puis UNE AUTRE VOIX se fit entendre. ,

Elle sortait aussi des profondeurs de ton être   

et te disait :

 

«Quand tu donnerais tout le pain du monde

à tous ceux qui ont faim,

crois-tu que cela va les satisfaire?... 

Ils continueront encore à sentir

que quelque chose leur manque...

Ce qui a fait écrire à des sages anciens:

"L'homme ne vit pas seulement de pain,

mais de tout ce qui sort de la bouche de Dieu."

 (Deutéronome 8, 4)

Tu vois ?

La lampe n'éclaire que si au-dessus de son huile

brûle un feu qui l'habille de lumière.

De même, l'être humain,

s'il ne se nourrit que du pain de la terre,

jamais ne brillera  selon sa vérité vraie

à moins qu'il ne se laisse habiter

par le souffle et la parole d'amour

qui sortent de la bouche de Dieu.»

 

En entendant ces mots, la première voix,

celle qui t'avait incité à changer les pierres en pain,  

est restée muette comme une carpe.

Les feux de la foire se sont tus,

la paix est revenue dans ton esprit.

  

Après plusieurs jours de silence et de paix,

le manège s'est remis à tourner de plus belle.

La carpe sortit de son mutisme

et t'adressa un nouveau discours en disant:

« Quand tu affirmes que l'humain

ne vit pas seulement de pain,

tu as parfaitement raison,

mais, ne sois pas bête!

La vie est dure, souvent cruelle.

Du pain, de l'amour et de l'eau fraîche

il en faut pour vivre, bien sûr,

mais il faut aussi de l'illusion,

du rêve et du plaisir.

Si tu veux gagner le monde à ta cause,

construis des stades, bâtis des théâtres,

crée des festivals, lance des compétitions,

monte des spectacles! »

 C'était reparti...

 Tu te voyais en train de grimper

sur le toit d'un gratte-ciel

ou sur la pointe d'un clocher,

et même sur le plus haut sommet du monde,

puis, te jetant en bas sans parachute,

tu atterrissais sans te faire un bleu.

Alors, dans un éclat de rire

à faire frémir les montagnes,

tu interpellais le monde entier en t'exclamant:

«Comme vous le voyez, Dieu est avec moi!

Ainsi qu'il est écrit au Psaume 91,

je suis porté sur les ailes des anges!

Donc, écoutez-moi!...»

 Quel merveilleux spectacle!

Tu voyais tous les habitants de la Terre

se bousculer pour boire tes paroles.

C'était divin...

 La voix insistait: «Il semble que tu hésites encore.

Aurais-tu peur, par hasard?...

Est-ce que Dieu n'est pas ton grand ami?

Ne veille-t-il pas sur chacun de tes pas?

Au Jourdain, tu l'as rencontré

et vous vous êtes liés pour l'éternité.

Lance-toi! Sers-toi de lui.

Ta cote d'écoute va monter aux nues! »

 

Alors, l'autre voix, celle de la Parole et du Souffle,  intervint à son tour:

« Dieu ne veut pas galvaniser les foules,

il n'hypnotise pas le monde,

il n'éblouit pas les yeux

et encore moins les esprits.

Il exècre l'aveuglement

et n'aime que ce qui rend libre.

Il est écrit:

"Tu ne tenteras pas le Seigneur ton Dieu"

(Deutéronome 6. 16).

Tu n'en feras pas un Deus ex machina

manipulable comme une télécommande.

Dieu ne fait pas de cinéma. »

 

La voix s'est tue de nouveau...

 

Mais la première voix,

celle des pierres et des pains,

n'avait pas dit son dernier mot.

Elle revint à la charge en déclarant:

«J'avoue que mes deux premières méthodes

étaient un peu excessives.  

Qu'importe!

Je t'en propose une troisième.

Elle est infaillible et sûre à 1000%.

Laissons de côté la magie et les spectacles.

Soyons raisonnables et pratiques,

restons dans le faisable,

venons-en aux vraies affaires.

Ce que tu dois faire,

c'est t'associer aux riches et aux puissants.

Voilà.  

Ils ne sont pas tous méchants.

Il y a du bon monde parmi eux.

En plus, ils ont tout ce qu'il faut pour convaincre.

Ils ont l'argent, les armes, la science, le prestige.

Ils ont surtout  les connections;

les moyens de communication sont dans leurs mains.

Si tu ne te sers pas d'eux, eux se serviront de toi.

Fie-toi à eux, confie-leur ta carrière.

Jamais ta vie, ta mission, ton avenir

ne seront placés dans de meilleures mains...»

 

La voix s'est tue.

Ses paroles t'ont ramené sur terre,  

elles t'ont paru d'une logique indéniable,

pleines de bon sens.

Elles t'ont amené à imaginer

ce que tu pourrais faire pour la gloire de Dieu

si tu mettais cette recette en pratique.

Alors tu t'es glissé dans la peau des personnages

que l'histoire honore comme des héros 

et comme des modèles pour l'humanité.

Tu t'es vu sous tous les projecteurs du monde

comme l'homme le plus applaudi,

et le plus célèbre de la Terre.

Allié des riches et des puissants,

ta beauté et ta grandeur t'enivraient.

Tu allais faire des merveilles

dans ce monde qui était à tes pieds.

Tu allais devenir LE héros, une super nova,   

tu allais devenir un vrai DIEU.

 

Sur ce, la voix de la Parole et du Souffle

intervint de nouveau avec ces mots:

«Il est écrit: Il n'y a qu'un Dieu. Lui seul tu adoreras».

(Deutéronome 6, 13)

Cette parole ne fut pas la goutte

qui fit déborder le verre,

mais une trombe d'eau glacée

qui éteignit brusquement tes ardeurs.

Ce fut la parole qui te mit K.O.

 

Il t'aura  fallu les morsures du désert

qui brûle le jour et glace la nuit,

et les crampes de la faim et de la soif

pour que tu découvres jusqu'à en avoir mal

que ces trois chemins:

les pierres changées en pains,

le saut du haut des airs sans parachute,

et le pacte avec la richesse et le pouvoir

n'étaient pas les chemins de la Vie,  

mais ceux de l'Adversaire

aussi appelé le "diable".

Tu auras compris que cette triple voie

qui se camoufle sous les faux brillants

de la magie et de la popularité,

sous ceux de l'argent et des armes

et de la fausse piété,

cette voie conduit presque fatalement

à la stérilité et à la guerre,

ainsi qu'au désert

et au néant...  

 

Le diable?...



 

Le diable n'est pas quelqu'un

mais surtout quelque chose

qui sort de l'intérieur de ce que nous sommes.

Quelque chose qui vit en nous.

C'est une "mentalité", une psychologie, une philosophie, une idéologie,

une vision des choses, une façon de penser et d'agir qui fait partie de notre être.

C'est notre côté sombre,

notre côté ténébreux,

qui nous vient probablement

d'une peur ancienne,

d'une peur primordiale

reliée à notre préhistoire

quand nous nous sentions étrangers et perdus

dans un monde immensément inconnu

dont nous avions viscéralement besoin pour vivre

mais dans lequel nous n'étions que des poussières

ballottées par les vents.

Une angoisse qui nous rendait fous,

incapables de mesure,

désespérés et durs.

Un monde étrange qui nous obligeait

à jouer de ruses à l'infini

et de violences extrêmes

pour ne pas nous faire dévorer par lui

et pour pouvoir survivre.

C'est cette partie de nous-mêmes

qui se cache derrière les apparences

et sous une fausse lumière disséminée

dans l'obscurité et dans l'interdit.

C'est notre vieil instinct de chasseurs.

C'est cette partie de nous-mêmes

d'où surgissent les théories les plus bizarres,

la magie, les jeux de hasard,

le maquillage-miracle,

le produit amélioré, renouvelé et augmenté,

infaillible porteur de bonheur.

C'est la voiture du siècle,

c'est l'esprit de religion

qui prétend percer tous les mystères.

C'est l'esprit de la science qui a tous les pouvoirs. 

C'est l'esprit du "pain et des jeux"

de la Rome décadente,

l'esprit des grandes corporations

qui gouvernent le monde,

l'esprit des derniers jouets nucléaires

qui font trembler d'admiration et de stupeur.

C'est l'esprit des ressources

concentrées dans les mains

d'une poignée d'individus

qui dansent sur des montagnes d'or

et sont honorés comme des génies et des héros

alors qu'ils sont (avec les politiciens à leur service) 

ceux-là mêmes qui affament l'humanité,

non seulement pour ce qu'ils font,

mais pour ce qu'ils pourraient faire,

ne font pas et jamais ne feront.

Esprit de tribu, esprit de mensonge

esprit de vengeance, esprit de domination,

esprit de mâles alpha, esprit de femelles dominantes;

esprit de luxe et de rut sans fin,

esprit de luxure déchaînée

stimulée par toute une industrie de trucs

promettant performances par-dessus performances

et extases sans fin.

Les faux cils, les faux seins, les fausses dents,

les fausses lèvres, les faux ongles...

les fausses notes, les fausses monnaies,

les faux diamants, les faux dieux... 

Esprit de projets pharaoniques,

esprit des nouvelles Babel.

et des nouvelles Babylone

rivalisant entre elles

pour le monument le plus haut

élevé pour l'éternité

à la gloire du phallus conquérant.

Esprit qui rêve de coloniser les étoiles

tandis qu'il assassine la seule Terre que nous ayons.

Esprit de toutes les drogues et de tous les opiums.

Esprit de loteries, de casinos, de suicide...

Esprit de domination qui rend fou:

esprit des Hitler, des Staline et des Napoléon,

des Tojo, Franco, Mao, Castro (eh oui!),

des Idi Amin Dada, Pinochet, Videla, Pol Pot et autres,  

esprit de tous les tyrans, petits et grands,

et de tous les narcissiques 

d'hier, d'aujourd'hui et de demain,

esprit de tous les sauveurs du monde

qui torturent au nom de la démocratie,

qui violent au nom de la liberté,

qui volent au nom de la justice

qui mentent au nom de la vérité

et menacent d'anéantir l'humanité au nom de la paix.

Esprit des fanatismes religieux

qui paralysent la pensée avec des dogmes

prétendant contenir la quintessence de la vérité pure

au nom de laquelle ils sont prêts

à mettre la planète à feu et à sang.

Esprit d'orgueil, esprit de haine, esprit de guerre,  

esprit qui fait de l'être humain un monstre,

une machine ou un simple objet qu'on vend,

qu'on achète et qu'on jette.

 

C'est l'esprit du MOI, rien que moi, seulement moi.   

L'esprit même de l'EGO, lorsque l'ego,

qui constitue la substance de la personnalité,

envahit la conscience au point de rendre impossible 

l'accès à l'être profond ou au vrai moi...

.

 

Cet esprit, Jésus, tu l'as vu en face.

Tu l'as vu comme un immense ballon

pouvant se gonfler de tous tes rêves

et te transporter si loin 

qu'il finit par éclater en mille morceaux  

en te laissant tomber

dans un abysse sans fond

avec tes faims inassouvies

et tes soifs inapaisées.

 

Tu as pleuré, tu as crié, hurlé.

Comme un animal blessé,

tu t'es roulé dans le sable du désert.

À grands cris, tu as supplié ton Abba

d'avoir pitié.

 

Tu t'es évanoui longuement....

 

Lorsque tu t'es réveillé,

la tempête était partie.

Tu aperçus non loin de toi une source

et tu vis une caravane

qui s'approchait pour s'y abreuver.

C'étaient des Bédouins, des visages sombres,

des turbans, des robes blanches,

des inconnus, des infidèles...

qui s'affairaient autour de toi.

Ils se penchaient sur toi,

ils te donnaient à boire

et avec toi ils partageaient

leur maigre pitance.

Tu avais le cœur plein de reconnaissance

et le visage tout en sourires.

À tes yeux, ces Bédouins étaient des anges:

à travers eux, c'était ton Abba lui-même

qui venait te prendre par la main.  

 

C'est alors que dans ton cœur

a commencé à germer 

l'hymne qui résume tout ton évangile :

 

«J'étais étranger,

                          affamé, assoiffé,                          

nu, malade et en prison,

de loin tu as vu ma détresse

et tu es accouru à ma rencontre.

Tu m'as lavé, soigné et nourri.

Mes yeux étaient éteints,

mais tu m'as prêté les tiens.

J'étais mort,

et tu m'as ressuscité.

Réjouis-toi, car ton cœur

connaît maintenant le cœur d'ABBA,

et la joie qui monte en toi

est la joie de son Royaume.»

 

C'est ainsi que, une fois remis sur pied,

tu as quitté le désert, heureux comme un roi.

Stimulé par la dialectique et la dynamique

du Royaume qui grandit au milieu du chaos,

tu as amorcé en chantant le chemin du retour

vers ta Galilée natale.

 

De toi se dégageait une grande paix

qui touchait les êtres que tu croisais sur ta route.

La santé coulait de tes mains.

Les plus petits et les plus pauvres,

et tous ceux qui croyaient ne pas exister

dressaient la tête.

Même les fleurs des champs

et les oiseaux du ciel,

tous les arbres et les animaux

avaient le sourire aux lèvres....

 

Or, à chaque tournant de ta route,

de nouveau risques t'attendaient...

 

à suivre...

 

                           Eloy Roy

 

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