28 décembre 2011

JÉRÉMIE ET DIEU


Jérémie est en prière dans la petite église de Tilcara quand une Voix lui demande:

- Que vois-tu, Jérémie?

Jérémie répond:

- Je vois une église avec des murs en terre très épais; son parquet est de tuiles de terre cuite et son toit, de cactus.

La Voix :

- Te sens-tu bien dans cette église, Jérémie?


- Oh oui, c’est le bonheur ici! Tout est si calme et si chaud. Ces gros murs blanchâtres de terre séchée me donnent une sensation sans pareille de sécurité et de paix; comme si j’étais dans mon berceau.

La Voix:

- Tu te sens bien dans ce temple, Jérémie, parce qu’il est fait de terre et que la terre est ta maison. Elle est ta mère aussi. Elle est la maison et la mère de tout ce qui vit. Elle t’enveloppe de protection et de paix, de chaleur et de tendresse. Dans ce temple, mon enfant, tu es dans le ventre de la Terre Mère. Et la Terre Mère, c’est moi.

- Toi, tu es la Terre Mère?

- Oui, Jérémie, je suis la Terre Mère et je suis Rocher, je suis Source et je suis Soleil. Je suis Lumière et je suis Chevaucheur de nuées. Je suis Vent, Jérémie, je suis Feu, et je suis le Souffle de l'univers. Je suis Pain pour le chemin et Vin pour la fête. Je suis la Vigne et je suis l’Agneau.

Je suis le Dieu des philosophes et des savants, le Dieu des mystiques et le Dieu des milliers de visages que les religions me prêtent. Je suis poète et je suis musicien, peintre, architecte et potier.

Je suis aussi le Dieu des mécréants et celui que cherchent les sceptiques. Je suis même ce Dieu caché dont on dit qu’il n’existe pas.

Je suis le Dieu que chaque peuple saisit à sa manière: pour les bergers je suis le Pasteur; pour les malades, je suis le Guérisseur; pour les pêcheurs de poissons, je suis un Pêcheur d’humains; pour les opprimés, je suis le Libérateur; pour ceux et celles qui n’en peuvent plus, je suis le Repos; pour les voyageurs, les nomades et les migrants, je suis le Grand Pèlerin.

Pour la femme qui cherche désespérément le corps de son bien-aimé, je suis le Jardinier du printemps qui chante: «Lève-toi, ma belle, et viens, car voilà l'hiver passé et c’en est fini des pluies. Les fleurs se pointent sur la terre, il est venu le temps des joyeuses chansons. Viens! » (Cantique des cantiques 2, 10-12). Tu sais, Jérémie, je suis moi-même le plus grand Amoureux du monde.

Je suis Père, Jérémie, je suis Fils et je suis Esprit. Je suis Allah, je suis Yavé, je suis absolument Un. Mais en même temps je suis Trois.

Je suis Mère aussi, avec des entrailles qui s’émeuvent à l’infini.

Je suis Feu dévorant, je suis Amour, je suis Époux passionné, tendre et compatissant. Je suis Vie, mon enfant. Je suis Créateur et Inventeur, je suis Roi et Serviteur. Je suis Sagesse, Justice, Liberté, Pardon, Tendresse, Vérité et Fidélité. Je suis Miséricorde et Force. Je suis Musique et Beauté. Et Mathématiques aussi. Je suis le Commencement et je suis la Fin.

On dit de moi que je suis le Tout-Puissant, le Très-Haut et le Béni, ce qui est vrai, mais j’aime surtout être le père qui pleure de joie en serrant de nouveau dans ses bras l'enfant qui pendant une éternité s’était perdu dans les brouillards de l’enfer.

J’aime bien aussi être ce patron qui gâte ses travailleurs en payant aussi grassement ceux qui ont travaillé à peine une heure comme ceux qui ont peiné toute la journée sous le soleil.

Oui, je suis le Grand Horloger de l'univers, le Grand Architecte, le Grand Ingénieur. Je suis la Raison et je suis le Sens de tout. Je suis la Parole, je suis le Verbe, je suis l’Énergie de l'énergie. Je suis tout cela, Jérémie, tout cela à la fois.

Et pourtant, je suis aussi tellement autre et différent de tout ce que je viens de te dire qu’on peut aussi bien croire que je ne suis absolument rien de tout cela. En fait, je suis cela, mais je suis Autre aussi, et ainsi de suite…. Bref, JE SUIS QUI JE SUIS ET QUI JE SERAI.

Personne ne peut prononcer mon nom, Jérémie; je suis l’Innommable. Malgré tout, je te dirai que je suis humain. Je suis le plus petit et la plus petite des filles et des fils de ton peuple, je suis le plus pauvre parmi tous les pauvres. À la racine de votre être, vous êtes tous et toutes mon image.

En vous, au cœur de vos personnes, au cœur de l'humanité et de l'univers, je suis un germe, un bourgeon, une étincelle d'éternité. Avant tout, je suis la Joie.

Quand la Voix s’était mise à lui parler, Jérémie était tombé à genoux et souffrait de ne pouvoir emmagasiner tant de lumière dans son cœur. Lorsqu’à la fin la Voix se tut, Jérémie était étendu sur le sol front contre terre et adorait en silence le grand mystère de Dieu.

Il sentait comme un feu qui embrasait tout son être.

15 décembre 2011

NOËL


Il y a quelques mois, dans un bidonville de Buenos Aires, une humble travailleuse a trouvé un enfant abandonné. Elle l’a recueilli, l’a amené chez elle et l’a adopté. Elle lui a donné le nom de « Jésus ».

En ce nouveau Noël,

je souhaite au monde entier,

je vous souhaite à vous, je te souhaite à toi

et je me souhaite à moi-même

de goûter un bonheur comparable

à celui de cette femme

et de ce petit enfant.

Eloy

4 décembre 2011

HISTOIRE DE BÊTES ET DE MOINS BÊTES



Dans ses toutes dernières pages, la Bible se transmue en éruption volcanique qui crache des dragons, des serpents et d’autres bêtes effrayantes, dont l’une avec des dents de fer. Des cavaliers enragés font couler des rivières de sang. La planète s’inonde de tous les fléaux. La peste, la violence, l’épouvante, la terreur, la mort remplissent le monde et font trembler même les étoiles.

Au milieu de l’horreur, un petit peuple de rien n’en finit plus de compter ses morts mais refuse de se rendre. Il n’a pas d’armes. Sa seule défense est sa foi.

Sa foi en un Agneau égorgé mais qui se tient debout.

L’Agneau a un corps et un visage d’homme. Ses mains, ses pieds et son cœur sont transpercés; cependant il est prodigieusement vivant. Des rayons mystérieux sortent de la marque de ses plaies. Ils consolent et soutiennent le petit peuple dans sa marche vers le monde de la Grande Fraternité, et cela sous les coups, malgré les moqueries, malgré l’indifférence, malgré les morts.

Ce petit peuple porte dans sa chair l’espérance du monde.

Non, il ne courbera pas la tête, il ne pliera pas le genou, il n’adorera pas l’Empire.

Il ne baisera pas la « main invisible » du 1% de l’humanité qui dirige tout, fait et défait les gouvernements, fabrique les armes, sème les guerres, décide qui dans le monde va manger et qui ne mangera pas; et qui détermine dans le quotidien comment on doit s’habiller, penser, s’amuser, vivre et mourir.

Ce 1% possède à peu près tout pouvoir sur les richesses de la terre, il travaille dans l’ombre, n’est élu par personne, mais c’est lui qui, depuis ses coffres-forts de mille étages, décide du sort de l’humanité.

Il occupe toutes les coulisses du pouvoir, tire toutes les ficelles, fait croire aveuglement qu’il est le grand bienfaiteur qui donne au monde le travail, le pain, la liberté, le progrès, alors qu’au contraire c’est lui qui s’engraisse, vit et s’enrichit aux dépens du monde entier.

Le petit peuple qui avance dans la tempête, le cœur fixé sur le Crucifié qui est debout et plein de vie, n’adorera jamais les dieux du 1%.

Il ne fait pas partie non plus de ces 99% qu’on dit victimes de ce 1%.

D’abord, ceux-ci ne sont pas tout à fait 99% mais 98%, et ils ne sont pas aussi victimes qu’on le prétend. Car la plupart d’entre eux, sans l’avouer, se font bien souvent les complices du 1%, l’imitant, l’enviant, rêvant même de prendre sa place.

Parfois ils protestent, crient, réclament du changement, mais, à l’heure des grands choix, la grande majorité finit toujours par voter pour la Bête, ses avatars et ses réincarnations.

En réalité, par leur ignorance, par leur inconscience, par leur insouciance et toujours pour leur convenance, ils sont 98 % à nourrir la Bête.

Seulement 1%, cependant, ne le fait pas! Ou moins encore…

Ce dernier 1% de l’humanité, à l’extrême opposé du 1% dominant, est formé par un «petit reste », c’est-à-dire par ce petit peuple de rien qui marche derrière l’Agneau égorgé et qui se tient debout, le Grand Résistant, l’incorruptible adversaire de la Bête.

Les gens qui forment ce petit peuple ne sont pas des illuminés, des sectaires ou des fanatiques; ils ne sont pas nécessairement non plus des génies ni des héros. Extérieurement ils se distinguent à peine de la plupart des 98%, et ils ne sont pas sans péchés.

Souvent ils se débattent dans le doute et dans les contradictions. Ils ne sont nullement à l’abri de la trahison, de la défaillance ou de l’échec. Ils peinent, ils cherchent, ils souffrent. Mais ce qui les distingue, c’est qu’ils savent faire une nette différence entre l’Humain et la Bête.

Cette conscience illumine leur vie et éclaire le monde.

Ils rament à contre-courant, en refusant, par des gestes significatifs, individuels et collectifs, de se soumettre aux dictamens du 1% d’en haut.

Bien qu’il leur en coûte, ils s’opposent à ce que le monde soit régi par la convoitise, le mensonge, la rapine, l’injustice, la corruption, l’hypocrisie, le cynisme, la dureté du cœur, en un mot, ils s’insurgent contre le refus érigé en système de concevoir que l’autre soit un semblable, un frère, une sœur, une part de soi-même.

Ce petit peuple, les prophètes bibliques l’appellent « le petit Reste ».

Rien ne peut le convaincre que l’avenir des humains puisse se situer loin de la voie ouverte par l’Agneau égorgé qui se tient debout, l’humble prophète de Nazareth que l’Empire a crucifié, mais que Dieu a ressuscité.

Enfoui dans l’inconscience du monde des dominants et des dominés, il est conscience.

Conscience humble, discrète, invisible même, d’un monde autre, bâti simplement sur la justice et la fraternité. Son mode d’opération est celui du ferment dans la masse.

Au compte final, notre monde est donc constitué à son sommet de 1% de dominants. Du cou jusqu’aux chevilles il est fait de 98% de dominés à divers degrés. Et en-dessous, supportant tout : le restant, soit le 1% des résistants.

Cela donne dans l’ensemble une espèce de dinosaure grotesque avec une tête toute petite mais extrêmement vorace, un tronc disproportionnellement immense, et des pieds minuscules.

Cependant, c’est sur ces faibles pieds que repose l’avenir de l’Humain.

Dans l’imaginaire du petit peuple des résistants, et dans sa foi, la victoire de l’humain sur la Bête repose dans tout ce que représente et ce que signifie celui qui, une nuit, est né dans une crèche.

Partout où il se trouve sur terre, c’est devant Celui-là, et lui seul, que s’incline en adoration le petit peuple de ceux qui résistent au monde des dominants et des dominés.

Est-il seul? Non. Y a-t-il des croyants d’autres religions ou des gens sans religion qui soient aussi des résistants de la Bête? Cela ne fait aucun doute. Souvent ce sont ces derniers qui mènent le bal.

Ceux-là aussi font partie intégrante du peuple qui porte sur ses épaules l’espérance d’un monde moins « bestial » et toujours plus humain.

Eloy Roy

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